Chaque année, les Talents Adami Cannes proposent, à différents artistes de renom, de signer des courts-métrages et de mettre des jeunes acteurs en lumière. En mai 2018, l’artiste canadienne Charlotte Le Bon a présenté Judith Hôtel, une histoire fantasmagorique dans laquelle les personnages orchestrent leur propre mort.
Judith Hôtel de Charlotte Le Bon
Publié le 30/04/2020 par Marine Bernard / Catégorie: Critique
Traits tirés, teint blafard, moue dépressive, Rémi est rongé par des insomnies chroniques depuis des années. Il veut dormir à tout prix pour ne plus jamais se réveiller. Complètement dépassé, il décide de réserver une nuit au Judith Hôtel, un établissement qui offre à ses clients un aller simple pour une vie rêvée. Situé au milieu des champs, il s’impose par son architecture monumentale et son vaste jardin taillé à la perfection. Dans ce lieu particulier où le temps semble suspendu, Rémi rencontre des gens tous aussi loufoques les uns que les autres. Il y a Louis, un mangeur de cartouches d’encre, et Suzy, une jeune femme qui ne vit qu’à travers les histoires qu’elle se raconte. Plus il s’immerge dans cette expérience fascinante, plus Rémi ne semble plus distinguer la réalité du rêve.
D’entrée de jeu, nous sommes tiraillés entre deux sentiments contradictoires. D’abord, un certain malaise s’installe, une angoisse s’insinue face au propos de l’histoire qui se dessine progressivement devant nos yeux. Ensuite, ce sentiment est contrebalancé par la sérénité presque dérangeante avec laquelle l’événement est en train de se préparer. Le décor et le traitement des personnages participent énormément de cette ambivalence. Aussi repoussant qu’accueillant, le Judith Hôtel apparaît comme un personnage à part entière dont les clients ne sont que des sujets voués à disparaître. La morosité rendue palpable par la bande son est rompue par la ponctuation d’éléments aux couleurs saturées, le surréalisme des objets qui jaillissent de nulle part et par le comportement farfelu des personnages. Quant à leur mort aussi violente et effroyable soit-elle, elle est sublimée par l’esthétique de l’image jusqu’à devenir étrangement belle.
Proche du cinéma de David Lynch et inspiré par un de ses anciens rêves, ce court-métrage constitue une occasion unique de s’immerger dans l’univers éclectique et poétique de la réalisatrice. Judith Hôtel est disponible en libre accès sur la chaîne Youtube de Charlotte Le Bon.
