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Julia d’Erick Zonca

Publié le 02/10/2008 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD
Julia d’Erick Zonca

D’Erick Zonca, on se souvient, vu et revu, de La Vie rêvée des anges, film bressonien qui avait séduit la critique et le public du Festival de Cannes en 1998. Dix ans plus tard, il nous revient avec Julia, un remake détourné de Gloria de John Cassavetes, avec une touche de Wanda de Barbara Loden (Mme Kazan). 
Ce qui nous plaît chez Zonca, c'est son empathie pour les personnages en marge du système, les perdants qu’il nous montre plein d’énergie, vifs, allant au bout de leurs délires et pas seulement ravagés par un monde qui les rejette.
Julia, alcoolique rebelle aux Alcooliques Anonymes est d’une ivresse folle. 

Ouverture du film : dans un bar de nuit, les mâles du pouvoir (phallus symbolique oblige) sortant des bureaux de l’économie de marché, matent la taille des nibs de Julia à qui mieux mieux.

La belle idée d’Erick Zonca n’est pas le plan b, c, d, qui s’effondre au Mexique (selon un convenu hollywoodien typique) mais que Julia, face à Tom, découvre un enfant qui veut être une personne et non un produit quelconque du marché, un sujet plutôt qu’un objet. Le film bascule comme Julia confrontée à devoir offrir à manger, à laver les vêtements d’un petit garçon dont elle croyait qu’il avait aussi peu d’intérêt pour lui qu’elle-même dans sa flagellation permanente (souvenons-nous de la scène choc de Raging Bull lorsque Jake LaMotta décide d’arrêter de s’autodétruire). Tom, c’est la vie, il essaie de s’enfuir dans le désert californien où Julia a décidé de se cacher pour échapper à une police qui la traque depuis que la remise de la rançon a échoué. Toujours aussi hagarde, déjantée, mais volontaire, elle finit par retrouver le gamin et à le sauver de la soif. Julia cherche enfin l’autre.Julia, quadragénaire qui ne peut supporter le mode d’emploi de la vie en société, rajuste sa culotte en titubant après une nuit collée-collée passée dans une voiture avec l’un de ces cadres lisses et sans le moindre intérêt qu’elle ne fréquente la nuit que pour se faire mal. Julia, d’une ébriété chronique, ne croit plus en rien, baise avec n’importe qui, a créé un monde où l’altérité a disparu. Ne s’aimant pas elle-même, elle ne peut donc pas aimer les autres. Ravagée certes, mais d’une énergie folle, Julia décide d’extorquer de l’argent au grand-père d’un gamin de huit ans en l’enlevant. D’une brutalité ahurissante avec Tom, le gamin kidnappé, n’hésitant pas à ligoter son otage dans divers motels, on se dit : putain, c’est pire que dans un thriller de série B américain ! Un gosse avec  la bouche, les mains et les pieds bandés de scotch noir, chiant dans son slip... Cette fofolle ne nous épargne rien, sans pour autant qu’on arrive à la détester.

Un des moments forts du film est la superbe scène, au Mexique, où Julia, nue dans un lit et Tom ont la tendresse d’une mère et d’un fils.

Julia, l’ébouriffante Tilda Swinton, découvre la vie dans ce beau film qui rejoint La vie rêvée des anges. Le tout avec un final de vingt minutes époustouflant, à Tijuana, qui nous plonge dans l’univers des caïds hystériques et des camés mexicains, face à Julia, une grande rousse visible pour tous, qui sort de son trip et déploie toute son énergie en se battant pour la survie de Tom. Julia, en excellente menteuse, comme peuvent l’être les alcooliques, invente à Tom le portrait de sa mère. Elle prétend à des gangsters péniblement lourds et pas très futés, être sa mère.  Piégée, en découvrant la maternité, Julia devient une autre. Son égocentrisme alcoolique s’effondre.

De superbes derniers plans, bressoniens en diable, ramènent à la fin de Pickpocket. Julia prend Tom dans ses bras, le préférant à l’argent (200 millions de dollars) dont s’emparent les cinglés de la gâchette et devient enfin un être humain en sortant d’elle-même.  Pour sortir d’elle-même quel drôle de chemin a-t-elle dû parcourir.

Le film durait 4h20 et a été réduit à 1h22, mais les bonus nous permettent de voir une sélection de séquences coupées.

 

Julia d’Erick Zonca, édité par Cinéart, diffusé par Twin Pics.