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Kind Hearts

Publié le 01/04/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Foire du Midi, un soir d’été. Alors que tourne et tourne le manège des relations humaines, Bille et Lucas s’aiment et échangent des regards amoureux du haut de leur 18 ans. Elle et lui sont tous deux en dernière année, et face à eux se présente le grand précipice de l’âge adulte. Quelles seront les conséquences de ce grand bouleversement pour leur histoire d’amour ?

Kind Hearts

Olivia Rochette et Gerard-Jan Claes proposent, avec Kind Hearts, une œuvre d’une simplicité impressionnante qui flirte avec la fiction tout en étant d’une réalité captivante. Entre récit intime d’adolescence et message universel sur le passage à l’âge adulte, le film suit Billie et Lucas, tous deux attendrissants et naturels dans leurs questionnements. Et si la volonté de créer une narration se ressent dans la construction filmique, leurs réflexions et leurs tirades sonnent aussi vraies que justes, à peine provoquées par un quelconque scénario. Ce récit, c’est celui de la vie trépidante d’adolescents bruxellois, sur les bancs publics, à la terrasse d’une buvette et au détour d’un terrain de basket, Billie, Lucas, Romane et les autres recherchent ce qu’ils veulent être, le projet qui doit les porter pour les années à venir. Avec l’art comme échappatoire pour Lucas, compositeur pour son amie Charlotte, et le dessin pour Billie, saisissant l’un ou l’autre passant avant d’immortaliser Lucas au détour d’une conversation. Et puisque le temps de la jeunesse et un moment à la fois d’une énergie fulgurante mais aussi d’une oisiveté notoire, on suit les deux tourtereaux dans leurs errances et dans leurs déambulations urbaines, en s'émerveillant devant cette insouciance. Jusqu’à ce que la vie les rattrape, leur imposant les choix qu’ils mettaient jusqu’alors de côté. Petit à petit, leurs chemins divergent, et la passion des premiers instants disparaît. Au fil des images, captées sur plusieurs mois, Lucas et Billie s’éloignent doucement, tentant de mettre des mots pour sauvegarder ce qui n’a peut-être plus de sens désormais. “Tu es amoureux ? Je crois oui, et toi ? Je t’aime, je ne suis plus amoureuse”. Force de la question, puissance douce de la réplique. 

Kind Hearts échappe aux catégories, refusant la fictionnalisation des émotions qu’il capture tout en poussant par la mise en scène l’émergence de moments paradigmatiques des relations humaines. En réfutant ces étiquettes, le film parvient à dépasser autant la fiction que le documentaire, devenant quintessence du récit amoureux, pur instant de beauté que seule peut nous offrir la réalité. Des émotions et des échanges capturés dans des plans d’une grande finesse, où les lumières et les sons se bousculent pour créer une véritable symphonie de l’adolescence, d’une tendresse infinie.

Et si, au cours des derniers mois de ce récit, la pandémie s’est invitée dans les existences de chacun, le film n’en perd pas de son intérêt, nous donnant à voir la perception de ces jeunes face à cette coupure brutale des liens sociaux, eux qui vivent et se nourrissent de cette énergie de “l’être ensemble”.

Kind Hearts est de ces perles indéfinissables et d’autant plus belles, à laquelle on ne peut coller qu’une seule étiquette, celle du grand cinéma.

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