C’est l’histoire d’un film belge dont… personne ne voulait. Récupéré in-extremis par la télé française en 2011, BXL-USA fut sélectionné - et ovationné - au Festival de la fiction de La Rochelle, où il rafla deux prix. De quoi finalement lui valoir une sortie en salles chez nous l’an dernier, ponctuée à présent par une nomination aux prochains Magritte !
L’étrange destin de BXL-USA
Même si le paysage cinématographique belge a tendance à se diversifier et à évoluer ces derniers temps, pas mal de comédies ont encore beaucoup de mal à sortir. Manque de qualité chez les créateurs ? Sans doute. Manque de panache de la part des décideurs ? Peut-être, aussi. Quoiqu’il en soit, si une comédie loufoque et belgo-belge comme BXL-USA a pu voir le jour, c’est bel et bien grâce à des fonds… français. Une nouvelle belge histoire. "Malgré Bruxelles dans le titre", souligne en souriant son réalisateur Gaëtan Bevernaege, qui n’est autre que le meilleur ami de son confrère Vincent Lannoo, « je n’ai pu obtenir l’aide de Bruxellimage, de Wallimage et de la Commission de sélection des films, où l’on m’a dit ne pas trop aimer l’humour belge fait par… des Français. Et pourtant, je suis Belge. »
Tourné en 18 jours !
Son salut, c’est donc chez nos voisins hexagonaux que cet ex-réalisateur de pubs et de capsules humoristiques est allé le trouver, en étant financé par La Parisienne d’images, une boîte réputée pour son originalité, habituée à collaborer avec Canal + en France et Be TV chez nous. En échange d’une certaine liberté (scénaristique, un casting 100% belge, une action basée à Bruxelles), Bevernaege savait qu’il ne bénéficierait que d’un budget serré et qu’il se retrouverait dans l’obligation de tourner son ambitieux projet en un temps-record : 18 jours. D’où un travail évidemment capital en amont. « Nous ne pouvions pas nous permettre d’oublier le moindre détails. Et si nous tournions dans trois décors différents le même jour, il fallait veiller à ce que l’équipe technique puisse se déplacer à… pied. À cela, sont venues s’ajouter des conditions météo impitoyables : l’hiver 2010 a hélas été le plus froid à Bruxelles depuis 135 ans. Lors de certaines scènes, je ne pouvais tourner qu’en une prise et demie. Car les comédiens bégayaient tellement ils étaient frigorifiés ! »
Un projet hors-norme
Au moment du tournage auquel nous avions assisté à l’époque, les acteurs sentaient bien participer à une aventure hors-norme. Jugeons-en le par le pitch, quasi insensé sur papier : il évoque le triste destin de la vieille Florette (interprétée par Nicole Shirer, vue dans la série Septième Ciel Belgique), qui, un matin, apprend qu’elle est aveugle. Pour l’apaiser, Gratuite (Marie Kremer), sa jeune et fidèle amie, ne trouve rien de mieux que de lui inventer une sélection à un prestigieux radio-crochet californien auquel notre héroïne postule en vain depuis plus de 15 ans. Gratuite en profite pour la réconcilier avec son fils Léopold (Patrick Ridremont) qui, épaulé par quelques amis (campés par Charlie Dupont et Achille Ridolfi) – et dans le but de connaître l’identité de son père – va avoir l’idée saugrenue de faire croire à sa mère qu’elle s’envole aux USA… sans jamais quitter la Belgique ! Un plan quasi invraisemblable se met alors en place, propice à une histoire pourtant crédible, où se mêlent situations cocasses et moments plus tendres : c’est précisément ce mix astucieux qui fait la force de BXL-USA.
Une comédie sans prétention
Porté par un Ridremont inspiré, ce road-movie… immobile, dont le scénario rappelle – de loin - celui de Good Bye Lenin !, ne manque donc ni de rebondissements ni d’atouts : un cadrage original, un montage dynamique, une réalisation créative, truffée de gags désopilants et de références cinéphiliques. Et puis, un final assez mémorable. Largement de quoi faire oublier quelques facilités scénaristiques d’usage et l’une ou l’autre petite longueur. Et si certains personnages, pourtant humains et fragiles, peuvent parfois sembler caricaturaux, ce choix est pleinement assumé : nous sommes ici dans le registre comique d’un film abouti, mais sans prétention.
Le couronnement des Magritte
Sélectionné au Festival de la fiction TV de La Rochelle, une référence dans le domaine télévisuel, BXL-USA eu droit à une ovation et conquit un jury présidé par le comédien français François Berléand, en trustant le Prix de la Meilleure Comédie et de la Meilleure Direction Artistique. « Et il aurait pu sans problème revendiquer ceux de la Meilleure Bande-originale, Meilleure Interprétation et Meilleure Mise en scène », concéda l’acteur précité. C’est à ce moment que nos confrères de Cinevox, qui organisent chaque année des "Happenings", firent l’improbable pari de diffuser cette fiction sur grand écran (!). Nous y étions, et le résultat fut à nouveau identique : une ovation générale d’un demi-millier de spectateurs. La suite est connue : une sortie en salles grâce au flair du distributeur Claude Diouri, couronnée d’une nomination aux Magritte 2014, dans la catégorie du Meilleur Premier Film, aux côtés de films comme A Pelada, Hors les Murs, Je suis supporter du Standard, Le Sac de Farine, Twa Timoun et Une chanson pour ma mère. Assez cocasse quand on songe que Bevernaege, qui a entre-temps été réquisitionné par Arte pour sa collection de prestige Du théâtre au film, avait déclaré avec humour dans les colonnes de L’Avenir: « Vous verrez que je finirai par arriver aux Magritte par la porte de derrière ! »
Egalement soutenu par les Belges de Nexus Factory, BXL-USA a, en outre, bénéficié de l’aide de RTL-TVI – qui ne l’a curieusement jamais diffusé -, U-Film, Ufund, Comédie ! et Jimmy.
Bande-annonce: http://www.canalplus.fr/c-series/pid3742-c-bxl-usa.html?vid=515932