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La Beune, film d’Hervé Brindel

Publié le 06/12/2016 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Chaque jour, de l’automne au printemps, un vieil homme note dans un cahier les données de la météo, températures et intempéries, brouillards et ensoleillement. De la chambre du home qu’il partage avec sa femme, il aperçoit un coin de ciel, un peu de nature.

La Beune, film d’Hervé Brindel

De la fenêtre de sa cuisine, la mère d’Hervé Brendel observe la maison que ses voisins ont dû quitter à cause de leur grand âge. Contemplation presque immobile, où le temps des saisons possède les nuances des ciels et des feuillages. Les dialogues entre le cinéaste et sa mère évoquent brièvement les souvenirs des voisins et de leur maison. Lorsqu’elle leur rend visite dans l’étroite chambre de la maison de repos, elle leur apporte les nouvelles du dehors, discrètement, et presque silencieusement.

Le portrait du vieil homme possède la vérité des paroles des gens de la campagne. La conversation mesure le temps, celui du réveil qui, lors de ses insomnies, fixe les heures, et fournit les repères d’une sorte d’éternité patiente.
Ainsi, le temps intérieur et celui du dehors s’interpénètrent, les souvenirs de sa vie d’homme de la terre peuvent se raconter avec vivacité, sans trop de nostalgie. Lorsque la mère du cinéaste conduit le couple pour visiter leur maison abandonnée, l’homme rend leur liberté aux chats familiers qui sont devenus sauvages. C’est le seul adieu prononcé avant de se retrouver dans la cuisine à boire un café en contemplant par la fenêtre « La Beune », leur maison détruite.
Ce qui rend le film si émouvant et beau, c’est la matière pudique et très vivante des portraits confrontée aux images délicates et précises des arbres, des murs et des ciels, au long des saisons.

Je songe, en regardant le film, à ce poème de Ryokan : « Face à face, sans parler, nulle parole, un sentiment immense, le sac de livres est ouvert sur le lit, la pluie tape sur le prunier en face du store ». Battement du temps, horloge intérieure et le visage serein d’un vieil homme dont l’histoire nous irrigue de peu de mots.

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