Dans son film de fin d’études, sélectionné dans la compétition nationale lors de la dernière édition du festival Anima, Nicolas Piret nous emmène à travers champs, à toute allure, le souffle haletant.
La Bride de Nicolas Piret
Ce film, produit par l’atelier de production de La Cambre, se construit autour d’un carnet de croquis dans lequel on est happés dès les premières minutes du film. Le clocher résonne, les oiseaux s’envolent, un chien est enfermé, attaché à un lien, une corde, une bride. Il tire, tire, se jette sur la clôture qui le rend prisonnier, elle finit par céder. Il est désormais libre comme l’air, comme les oiseaux, et s’élance dans le décor.
Chaque plan du film se réfère à une page d’un carnet de croquis qui encadre chaque scène laissant entrevoir la matérialité, l’épaisseur, la texture, la brutalité du papier. Les scènes dessinées se succèdent alors dans un cadre au centre de la feuille de papier. Les dessins, en noir sur fond de carnet de croquis, s’effacent pour laisser place aux suivants, à la manière de William Kentridge ou s’apparentant à la technique de peinture sur verre de Florence Miailhe présente aussi à Anima. Ces traces laissées par les dessins disparus renforcent l’idée de vitesse, de fuite, d’échappée de ce chien libéré.
Le lien qui retient le canidé se démarque du reste par sa couleur jaune, seul élément coloré du film dans les premiers plans. Ce fil conducteur parcourt les différents paysages retraçant l’itinéraire du chien en fuite. L’ailleurs, de l’autre côté, est coloré, tendre et doux en comparaison avec l’ici, la ville, les voitures, les pylônes électriques d’une noirceur violente et brutale. Le chien parvient finalement à sortir du cadre imposé par le carnet, laissant là sa bride pour aller quelque part… Un endroit refuge dont il est le seul à connaître l’existence.
On notera l’attention particulière que le réalisateur a accordé à la bande sonore composée presque exclusivement de bruits : les oiseaux qui s’envolent, le clocher qui sonne, les souffles du vent dans les éoliennes, les ondes électriques qui vibrent, autant de bruits qui guident les pattes du chien dans sa fuite et qui permettent de s’immerger dans ce décor, de s’identifier à ce chien en cavale.
La Bride est un film bienvenu aujourd’hui, un film qui peut faire référence à l’enfermement auquel nous avons tous été confrontés dernièrement. Le réalisateur joue subtilement avec les différences d’échelle et la bande sonore pour donner le ton, le rythme à cette course effrénée. Avec ce film, Nicolas Piret donne aussi un souffle d’âme à ces carnets de croquis laissés dans un tiroir, il les fait exister en donnant au papier et aux matériaux utilisés une matérialité grâce au film animé.