La Prima Linea de Renato De Maria
Dans un entretien avec Toni Negri, Gilles Deleuze remarque : « Aujourd'hui, la mode est de dénoncer les horreurs de la révolution » (in Pourparlers). Certes, Staline, depuis la chute du mur de Berlin, en 1989, n'est plus « bankable » ou mieux encore : il est désormais moins incontournable que le marché.
Mais la meilleure analyse de son régime basé sur la terreur nous vient d'URSS, ben oui... Ivan le terrible de Sergueï Mikhaïl Eisenstein nous décrit l'affect du pouvoir et de la folie du trop célèbre Mister Joseph, ainsi que cet autoritarisme que lui a piqué Uncle Mao Zedong (qu'est-ce qui domine actuellement dans l'Empire du milieu : communisme ou capitalisme ? Vous n'y êtes pas, l'autoritarisme, voyons).
La Prima Linea de Renato De Maria est une fiction basée sur la vie de Sergio Segio, l'un des fondateurs de la Prima Linea (groupuscule hyper radical) pendant les années de plomb qu'a vécu l'Italie dans les années 70. Segio, à sa sortie de prison, a écrit un livre racontant son histoire. La Prima Linea n'est pas un biopic de plus, rassurez-vous.
Comme disait Hitchcock : « Je m'intéresse a priori fort peu à l'histoire que je raconte, mais uniquement à la manière de la raconter (le MacGuffin). Ici, le contenu du film joue sur l'histoire d'amour réelle entre Sergio Segio et la militante Suzanna Roncini. La Prima Linea ne ressemble malheureusement que trop à un film nord-américain sur une bande de gangsters psychopathes, hallucinés par un idéal platonicien qu'on ne nous explique jamais. L'action prédomine sur la réflexion. Le film s'articule donc autour de séquences de revolvers ou de Kalachnikov aux poings – taratata, taratata – filmés par une caméra virevoltante, en mouvements permanents (hélas, tout le monde n'a pas l'art du bon tempo comme Olivier Assayas). Les terroristes de LaPrima Linea sont froids comme des glaçons de la mafia, et Giovanna Mezzogiorno, qui interprète Suzanna Roncini, semble sortie d'une affiche de Benetton (rien à voir avec son rôle-titre et superbe dans Vincere de Marco Bellochio). Les terroristes ont-ils un affect ? En regardant La Prima Linea, il est permis d'en douter.
Pour trouver le même sujet de l'affect, on se tournera plutôt vers Buongiorno Notte de Marco Bellocchio, La Meglio Gioventù (Nos meilleures années) de Marco Tullio Giordana et plus encore vers Heaven de Tom Tykwer (un film basé sur une idée de Krzysztof Kieślowski).La Prima Linea de Renato De Maria, édité par Diaphana et Cinéart, diffusion Twin Pics