«Mais qu'est-ce qu'elle est chiante !» répète Jacky Beroyer en levant les yeux face à la caméra. Avec son premier film déjà - Le Bouton rouge primé au festival Climax 1998, embryon de Oh ce court ! - Marc-Olivier Picron brouillait les images des écrans de surveillance et mélangeait humour et science-fiction dans un climat de tension (électrique) à la limite de l'étrange et de l'absurde. L'univers de Marcus ne change pas, et La Télévision refuse de s'éteindre.
La Télévision de Marc-Olivier Picron
Déposée par le Père Noël dans l'angle mort du petit salon d'un vieux couple, elle laisse d'abord de marbre le taiseux et taciturne mari soupirant au-dessus de la dinde, avant de prendre les commandes en main, de changer de poste à sa guise et de décrypter Canal + aux heures tardives.
En ce beau soir de réveillon, Madame a ses chaleurs, ou un regain de tendresse, c'est selon, mais le vieux con, pas pressé de la rejoindre sous des draps conjugaux infectés de naphtaline, se fait bientôt tourner en ridicule : quand il arrache la prise, la lucarne fait la sourde oreille; quand il ouvre la boîte noire et dissèque les fusibles, des chirurgiens s'affairent et charcutent en direct le cœur d'un patient anesthésié; et quand armé d'une pioche il pense faire voler en éclats les coins carrés de l'écran plat, la guerre fait rage, des gens sautent sur des mines… Etait-ce un rêve, un cauchemar, une fiction ? Réveillée par l'étrange tintamarre, la pauvre vieille, Francine Blistin, si drôle à regarder avec ses bigoudis, serre contre elle les pans de son peignoir matelassé : c'est pas bientôt fini ?
Le scénariste et réalisateur s'est paraît-il posé la même question mais aura pu compter sur l'immense talent d'improvisation d'une vedette du petit écran, justement : «qu'est-ce qu'elle est chiante» vient à point pour mettre un semblant de terme au combat entre l'homme et un objet qui lui ressemble assez bien.