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Le Rêve des cigognes d'Élodie Lélu

Publié le 28/03/2025 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Entendre Élodie Lélu aujourd’hui et rentrer dans son intimité, dans ses rêves et dans ses espérances au travers de sa voix douce et souriante est profondément beau comme profondément triste. Disparue en août dernier, la cinéaste livre avec ce Rêve des cigognes son dernier film. Un documentaire où sa voix s’associe à celles de nombreuses personnes ayant suivi un parcours de procréation médicalement assistée (PMA), pour nous conter ce rêve tantôt doux, tantôt amer, qui parfois se transforme en réalité.

Le Rêve des cigognes d'Élodie Lélu

“On voulait faire de cette création une belle histoire”, annonce la cinéaste dès le début de ce parcours audiovisuel, utilisant le fil rouge de sa propre jeunesse, de sa propre famille et de sa propre expérience pour dresser un portrait intime et universel de ce voyage vers la vie. Car comment faire récit de ce cheminement long, lent, fortement médicalisé où cette création devient un paramètre, presque une équation à déchiffrer? Élodie Lélu et son équipe y parviennent en contrastant cet univers visuel technique et pragmatique avec un univers sonore chaud et bienveillant, dans lequel viennent se lover ces histoires comme dans les bras d’un·e ami·e à l’écoute attentive et réconfortante. La visite d’un utérus par caméra endoscopique devient ainsi un voyage poétique aux origines de la vie, et le rude apprentissage des piqûres d’hormones un montage cocasse et rythmé qui donne le sourire par son côté loufoque.

Alors que sa caméra nous emmène dans les couloirs blancs, froids et secs des hôpitaux et autres centres médicaux, les voix qui témoignent tout au long du récit débordent d’une humanité tendre, fragile et en plein questionnement. Un chœur auquel se joignent la réalisatrice et son compagnon, tous deux embarqués dans les mêmes errances et taraudé par les mêmes attentes.

Au fur à mesure de ce processus, l’on découvre en miroir le passé de la cinéaste, ainsi que celui de sa famille, éclairé par ces remises en question. Tante Nana était-elle réellement heureuse sans enfants, ou bien vivait-elle cet état de faits comme un échec, caché derrière les sourires? Était-elle infertile, ou bien était-ce son compagnon, dans une société patriarcale où la fertilité était – et est parfois encore – une simple affaire de femmes, une responsabilité du corps féminin?

Entre images d’archives, images construites et images captées, entre témoignages intimes et ouvertures vers l’universel, Élodie Lélu offre un beau message d’espoir à celleux qui s’engagent dans ce combat, tout en proposant les clés de compréhension pour celleux qui y seraient extérieurs. Un parcours fait de hauts et de bas, de doutes et de réjouissances, mais aussi un voyage, au fil de la voix d’une cinéaste de grand talent. 

Et grâce à ce film, au travers d’un récit audiovisuel figé par l’image et désormais affranchi du caractère éphémère de la vie, la réalisatrice de conclure : “comme mes parents, je pourrai raconter à mes enfants d'où ils viennent”.

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