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Le Veilleur de Lou du Pontavice

Publié le 04/03/2019 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Derrière les murs

Depuis 2003, l’INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle) organise des échanges avec de nombreuses écoles de cinéma dans le monde. Ce projet intitulé « Regards croisés » permet donc à des étudiants d’écoles de cinéma partenaires de perfectionner leurs connaissances acquises au cours de leur formation en réalisant un court-métrage documentaire dans un autre pays avec un cadre nouveau, tout près (Aubagne) ou très loin (Pékin) …

Une expérience difficile et riche qui produit parfois, de petits miracles.

L’étudiante Lou du Pontavice est partie en Chine pour revenir avec un documentaire réussi de 22 minutes intitulé Le Veilleur. Le veilleur du titre, c’est Guandong et ce qu’il veille, c’est le conservatoire central de musique de Pékin. Devant cette grille, patiemment, Guandong fait les cent pas, pendant qu’au loin, se fait entendre la douce cacophonie des différents instruments de musique.

Derrière les murs qu’il protège chaque jour, étudie la prunelle de ses yeux, son fils d’une douzaine d’années, corniste (joueur de cor d’harmonie). 
Lou du Pontavice filme le quotidien de ce père de famille prêt à tout sacrifier pour la réussite de son enfant. La jeune cinéaste filme également l’intimité de cet homme, le débarras exiguë dans lequel il se lave, mange et dort, avec une proximité toute naturelle qui séduit et surprend.
Jouant une partition cinématographique comme trouée et parsemée de vides et d’ellipses, Lou du Pontavice fait dire au père une lettre fictive à son fils qui lui sert ainsi à renouer tous les liens de l’histoire qu’elle ne filmera pas. Ce procédé ingénieux - outre le fait qu’il évite l’écueil d’une voix off plaquée et dissonante-, nous plonge dans la fiction pure, et, paradoxalement parvient à décrire le réel de manière plus efficace encore. 
Les diverses scènes père/fils, entre tendre complicité et tensions, disent tout l’espoir tourné vers un avenir meilleur, loin de la Chine, qui pourra peut-être se concrétiser grâce à la musique et la persévérance. En filigrane, se dessine ainsi le portrait d’un pays en crise, où règnent les inégalités et l’injustice.

Un film d’une grande sensibilité qui, avec pudeur et économie parvient à montrer des liens complexes et la fragilité des êtres qui ne tiennent debout que grâce à l’espoir.

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