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Les Belges au Marché du film
2ème partie : Assurer le devenir du cinéma

Publié le 19/07/2016 par Edith Mahieux / Catégorie: Événement

Comme tout salon, le Marché du film est, en plus d’un grand rendez-vous professionnel, une vitrine des toutes dernières créations du secteur. Y sont présentés aussi bien les courts-métrages d’élèves réalisateurs, que les initiatives les plus innovantes (réalité virtuelle, expériences en 3D, nouveaux modèles de financement, etc.) La Belgique francophone était surtout présente sur deux fronts : avec la relève cinématographique au Short Film Corner, et avec Wallonie Creative, le fonds d’investissement en audiovisuel novateur de Wallimage qui a lancé, en partenariat avec le groupe français Media-Participations, une formation inédite destinée aux jeunes talents de demain.

R/O Institute: des héros belges à Marcinelle

 

Wallonie Creative et le groupe français Media-Participations (Dupuis, Dreamwall) ont choisi le Pavillon Next - la plateforme du Marché du film où les professionnels se retrouvent pour des chemins alternatifs que l’industrie cinématographique pourrait prendre - pour lancer un appel à projets valable jusqu’au 31 août : l’institut R/O cherche des nouveaux talents ! De quoi s’agit-il exactement ?

Partenariat public/privé donc, R/O se veut un incubateur de talents transmedia spécialisé dans les nouvelles formes de storytelling. En d’autres termes, l’institut formera les auteurs de demain. À l’origine du projet, François Pernot, C.E.O chez Dupuis. Il est parti du constat que beaucoup d’auteurs perdent la jouissance de la propriété intellectuelle de leurs créations, car personne ne les aide à développer leurs idées sous toutes les facettes. Souvent développées par l’auteur uniquement sur un seul media (le cinéma, la bande-dessinée), les idées sont reprises par d’autres qui s’en emparent pour la décliner sur d’autres supports (jeux-vidéos, série TV, produits dérivés, applications mobiles) et en retirent un gros avantage financier. R/O propose aux auteurs de reprendre les droits sur leurs idées, et de les guider vers la réalisation la plus complète possible de celle-ci.

Lors de la conférence de lancement à Cannes, Domenico de la Porta, le directeur, a cité l’exemple significatif de The Walking Dead. Créée à partir d’une bande-dessinée, la série TV, déclinée en 7 saisons, a eu un tel retentissement parmi ses fans, qu’un magazine spécialisé est désormais consacré à la série, qu’un jeu-vidéo en est dérivé, et qu’une autre série télé existe en parallèle de la première, Fear The Walking Dead, qui va plus en avant encore dans l’histoire des personnages et qui donnent de nouvelles clés sur l’univers dans lequel ils évoluent. L’exemple des Schtroumpfs est tout aussi révélateur : la bande-dessinée n’a rapporté dans toute l’histoire des Schtroumpfs que 0,2% des recettes, alors que le film de 2011, à lui seul, a rapporté 1,4 milliards de dollars.

Le nouvel institut sera basé à Marcinelle, près de Charleroi, berceau des éditions Dupuis et de l’école dite « de Marcinelle », celle-là même qui a donné le jour à Spirou, Lucky Luke et Boule et Bill, pour ne citer qu’eux. Les jeunes auteurs seront ainsi portés par un vent créateur, et ce n’est pas tout, ils seront guidés par de multiples professionnels de l’audiovisuel. Conseillers artistiques, économiques, et techniciens seront là pour les aider à aiguiser leurs connaissances du milieu et agrandir leur réseau. À l’heure où la mondialisation place plus que jamais les œuvres en concurrence, et que les technologies sont en avance sur le contenu, cela devient plus qu’une nécessité !

La Tortue rougeDans une première phase, 40 projets seront retenus pour participer à un programme intensif d’octobre à décembre pendant lequel les auteurs participeront à des ateliers pour faire mûrir leur projet au maximum. À l’issue du temps imparti, les 10 projets les plus compétitifs seront retenus pour participer à la deuxième phase de développement : un programme composé de conférences, de rencontres, d’ateliers, des sessions de pitch, de travaux de groupes… Il y aura même des rencontres organisées avec les techniciens de Dreamwall, le studio d’animation de la région de Charleroi, fièrement représenté à Un Certain Regard cette année avec La Tortue Rouge de Michaël Dudok De Wit qu’il a coproduit. Cette collaboration permettra aux artistes de travailler concrètement sur la valeur artistique de leurs projets. Une fois la formation terminée, l’Institut accompagnera les auteurs dans la vente de leurs projets.

À vos stylos ! Vous avez jusqu’au 31 août pour répondre à l’appel à projets et tenter d’intégrer le nouvel institut. L’enseignement est gratuit pour les élèves retenus car R/O retiendra 10% du chiffre d’affaire des produits créés, de même qu’il obtiendra 50% des droits. On s’étonne tout de même que le site Internet et le programme des cours soient uniquement en anglais. Est-ce le prix à payer de la réussite ?

 

Vivarium de la jeune création cinématographique : le Short Film Corner

 

R/O a bien compris une chose : c’est qu’il est essentiel pour les artistes de créer des contacts pour réussir dans le milieu du cinéma. Un auteur isolé a peu de chances. C’est aussi le point de vue du Short Film Corner, le lieu dédié à la jeune création cinématographique à Cannes. Car non, le Marché du film n’est pas accessible uniquement aux professionnels rodés, c’est aussi le meilleur moyen pour les jeunes réalisateurs d’avoir une première expérience du Festival de Cannes et d’être encouragé à passer du court au long. Sur 4.000 films en lice chaque année, le festival de Cannes en retient plus de 2.000 (la principale condition de sélection étant de faire preuve d’un effort cinématographique notable) et offre à tous les réalisateurs deux accréditations.

Si les jeunes sélectionnés ne peuvent pas avoir accès aux projections des longs-métrages en compétition, ils sont invités à toutes les projections courts-métrages ainsi qu’à rencontrer des professionnels du milieu. Les petits-déjeuners du Short Film Corner sont l’occasion idéale de nouer des contacts. Le principe est simple : chaque matin, le café et les croissants sont offerts, et des acheteurs de courts-métrages (Arte, TV5 Monde, pour ne citer qu’eux), des producteurs et des réalisateurs se présentent aux jeunes réalisateurs, pour ensuite discuter avec eux. Pendant la journée, les jeunes accrédités peuvent accéder à des conférences spécialisées (« 10 conseils pour vendre et distribuer un film » par exemple), à des Master Class qui leur sont destinées (cette année sont venus pas moins que Naomi Kawase et Brillante Mendoza) et ils peuvent se retrouver le soir pour des Happy Hours où ils peuvent inviter les gens qu’ils rencontrent à aller voir leur film sur les postes de vision du Marché. La nuit du Court organisée sur la plage du Majestic est aussi une belle occasion d’échanger une coupe de champagne et de distribuer des cartes de visite et screeners de leur film. Dans les files d’attente aussi, on se rencontre, on discute, on crée des liens. C’est ainsi que les plus volontaires peuvent décrocher des invitations aux projections du Marché ou à monter le tapis rouge !

Cette expérience offerte aux jeunes est un excellent moyen de découvrir un milieu que souvent les jeunes talents ne connaissent pas bien. Alors qu’en sortant d’écoles, ce monde leur semble trop vaste, incompréhensible, voire inutile, ils peuvent avoir un premier aperçu de la réalité pragmatique de l’industrie cinématographique. Création et financement étant intimement liées, mieux vaut s’y intéresser au plus tôt au lieu de s’y heurter trop tard avec peine !

En plus, avoir son film sélectionné au Short Film Corner multiplie les chances de le voir sélectionné dans les festivals internationaux par la suite, et de se faire remarquer ! Réservez vos dates pour l’année prochaine !


Pour en savoir plus:
sur le Short Film Corner http://www.cannescourtmetrage.com/fr/
sur le R/O Institute: http://www.ro.institute

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