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Les hauts de Hurlevent

Publié le 16/05/2013 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD

Ecrit par Emily Brontë, Les hauts de Hurlevent ont inspiré quelques cinéastes. Andrea Arnold s'y est mise après William Wellman (1937), Luis Buñuel (1954) et Jacques Rivette (1986). Pari hasardeux car il s'agit pour les lecteurs anglo-saxons d'un livre « culte » (1) qu’il s’agit de mettre en images.

Les hauts de Hurlevent

Heathcliff, un jeune bohémien, est ramassé et ramené par Earnshaw, un gentleman anglais qui possède une maison dans le Yorkshire. En vivant dans la famille Earnshaw, chez son bienfaiteur, Heathcliff, enfant étranger - dont la mère semble être une reine africaine - cherche une identité. Domestique et frère d'adoption, Heathcliff partage sa vie à côté d'un frère sournois, mais aussi de Catherine, une sœur bienveillante. Elle lui montre la beauté de la nature et lui fait découvrir les lieux. La sensualité entre les enfants et le territoire des landes s'épanouit. Andrea Arnold nous livre les détails de cette passion qui se développe et unit Catherine et Heathcliff, sans tomber dans le mélodrame : une étreinte dans la boue entre les enfants séparés et unis où les plaies, dues à des coups de fouets dans le dos de Heathcliff, sont léchées par Catherine.

Cet amour impossible trouve sa source dans une enfance vécue comme un mythe, une sorte d'âge d'or de la vie. Il y a ce côté amour fou, comme dans Peter Ibbetson, le chef-d'œuvre d'Henry Hathaway qu'admirait André Breton et les surréalistes qui pensaient que l'amour domine l'existence. Une obsession de l'amour, une passion entre deux êtres qui va les entraîner jusqu'au bout de leur destinée.

La caméra d'Andrea Arnold, du flou au net, bouge parfois un peu trop dans ce style de cadrage instable prôné, jadis, par "Dogma" pour faire post-moderne. Cela ne sert qu’aux jocrisses ou aux mondains (on préfère le style de Howard Hawks qui panote en cadrant convenablement). Mais ne développons pas trop ce côté tatillon car ce n'est pas le plus important. Qu'en est-il du texte original et du film ? Le compromis entre l'adaptation cinématographique et la littérature se pose une fois de plus. Andrée Arnold n'achève pas le roman d'Emily Brontë, comme s'il était aussi inachevé que le Château de Franz Kafka, alors qu'Emily Brontë a terminé son roman. Nous ne saurons donc rien de la troisième partie sur le processus de vengeance d'Heathcliff.

Michael Haneke, qui a adapté le roman de Kafka en réalisant une bonne version par rapport aux cinq films qui lui ont précédé, explique qu'il faut transcender la prose du manuscrit ou du texte édité. En ce sens-là - avec un côté moins bressonien et plus romantique - il s'agit de la démarche d'Andrea Arnold même si l'on termine l'itinéraire d'Heathcliff sur la tombe de Catherine. Un choix risqué, mais possible.


 

(1) Pour ceux qui connaissent la langue anglaise et veulent connaître la suite, Wuthering Heights d'Emily Brontë existe en livre de poche chez Penguin. Sur la couverture, on peut y découvrir Emily peinte par son frère très bohème, très doué en peinture et très alcoolique, Patrick Branwell Brontë. En français, de nombreuses éditions de poche existent, dont celle du Livre de Poche.


Wuthering Heights d'Andrea Arnold, DVD édité par Cinéart et diffusé par Twin Pics.