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Les Jeunes Amants de Carine Tardieu

Publié le 07/02/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Au détour d'un morne couloir d'hôpital, la vie s'oppose à la mort, l'amour s'oppose à l'oubli. Une rencontre brève, un instant suspendu autour d'une soupe de distributeur, et voici que se met en place une nouvelle histoire, au croisement de deux regards et de deux générations.

Les Jeunes Amants de Carine Tardieu

Quinze ans après, Pierre est un médecin oncologue accompli, incarné par Melville Poupaud. Par le hasard du monde, ou plutôt celui de la narration, il retrouve celle qu'il avait rencontré alors. Fanny Ardant, alias Shauna, a maintenant 71 ans, lui en a 45. Et pourtant, l'atmosphère s'électrifie autour de ces deux personnages, comme deux adolescents qui papillonnent, et la barrière de l'âge s'effondre rapidement. Ces "jeunes amants", comme les nomme de manière espiègle la réalisatrice et scénariste Carine Tardieu, sont à la fois attendrissants et vrais dans les premiers instants de leur relation, qui se construit sous nos yeux. Au jeu de la séduction, Fanny Ardant est captivante par ses regards et ses silences, délivrant avec justesse son rôle de femme complexe, malmenée par la vie mais toujours debout. Pour lui donner la réplique, Melville Poupaud joue d'abord les beaux bruns ténébreux, lui qui incarne un père de famille dans sa vie lyonnaise bien rangée. Leur alchimie est étonnante dans les premiers instants de leur relation, attendrissante même, sortant de la routine et des sentiers battus du drame romantique français à l'image des autres créations de la cinéaste. D'autant que les décors du cottage irlandais où se rencontrent les deux futurs amants ont de quoi nourrir les fantasmes et enflammer les imaginations, filmés à la lueur des braises et des vieilles lampes par Carine Tardieu

C'est cet arc narratif qui portera le film, les autres personnages n'étant que des adjuvants ou obstacles plus ou moins monolithiques.

Par cette relation, la cinéaste offre à Shauna, et à celles qui s'identifieraient à ce personnage, un nouveau sens à l'existence qu'elle menait alors. De veuve et grand-mère à la retraite, errant sans but apparent dans une existence tranquille mais sans imprévus, elle devient la maîtresse, l'amante, la femme désirable. Fanny Ardant laisse libre cours à son talent grâce à un film qui semble écrit pour elle, plus que pour aucun autre des personnages parfois très secondaires. Dans son évolution, les sentiments la ronge littéralement mais lui redonne souffle et sens, joie et bonheur de l'instant.

L'amour consume, mais l'amour fait vivre. Cet amour, c'est aussi celui d'une cinéaste pour une autre époque du cinéma français, celle des grandes actrices comme Fanny Ardant ou Annie Girardot, convoquée à travers un extrait du film Un homme qui me plaît de Lelouch.

Portrait d'une dame qui assume sa vie autant à l'écran que dans le monde d'aujourd'hui, il nous reste à la sortie de la séance de ces Jeunes Amants avant tout cette belle histoire d'une vie qui repart, alors qu'elle était sur le déclin. Le récit de l'existence d'une femme flamboyante, qui traverse la vie sur la pointe des pieds, pour reprendre les mots du récit.

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