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Mariage à Mendoza de Edouard Deluc

Publié le 05/02/2013 par Edith Mahieux / Catégorie: Critique

Un road-movie enjoué et léger : cap sur l’Argentine et son vent de liberté !

Qui n’a pas souhaité, sur un coup de tête, traverser l’Amérique du Sud à moto en sortant de Carnets de voyage ? L'Argentine fait rêver le vieux continent. Elle nous attire, réveille nos fantasmes, chante au loin sa sensualité. Là-bas, même la langue espagnole perd de ses aspérités pour susurrer à nos oreilles des mots caressants. On l’imagine, de l’autre côté de l’océan, trépidante et enflammée, gorgée de soleil et de vin.

scène du filmIl semblerait que le pays du Sol de Mayo ait exercé son charme sur Edouard Deluc. Ce n’est pas sur la vieille « Vigoureuse » du futur Che que nous dévalons les routes interminables de la Cordillère des Andes, mais au bord d’une voiture rectangulaire aux allures de la Chevrolet de Two Lanes Blacktop. Au fil de cette traversée picaresque, Deluc nous plonge dans une ambiance enivrante. On pourra bien sûr le lui reprocher un peu : le tableau est trop parfait, à l’inverse du film de Walter Salles et de nombreux films argentins actuels qui dénoncent un pays où règnent, sans répit, violence et corruption1. Mais le but du jeune réalisateur français était là : rester dans la légèreté - aussi déclare-t-il sans honte que son point de vue est celui d’un touriste. Son désir de filmer l’Argentine a plus de dix ans. Réalisateur de pubs et de clips musicaux, fort de l’expérience de deux premiers courts métrages2, dans lesquels, pourtant, il n’avait pas encore tout à fait trouvé un style narratif propre, c’est là, sur cette terre de « cinéma, de paysage et de psychanalyse »3, qu’il a posé sa caméra en 2009 pour tourner ¿ Donde Esta Kim Basinger ?, un court métrage remarqué qui, lors de son séjour dans les festivals du monde entier, reçut un Bayard à Namur, quatre Lutins, et fut couronné d’une nomination aux Césars. Une telle carrière pousse donc le jeune cinéaste à continuer. N’ayant visiblement pas fait le tour de ce court, il en reprend l’intrigue pour échafauder un long, et alors qu'il ne se pensait pas particulièrement doué pour la comédie, il s'y lance pleinement et réussit à se trouver.

scène du film

Marcus et Antoine sont deux frères si peu semblables que Deluc et ses coscénaristes ont dû eux-mêmes leur donner deux pères différents. Egarés dans leur vie respective, ils atterrissent à Buenos Aires pour se rendre au mariage de leur cousin. De la capitale à leur arrivée à Mendoza, nous voilà embarqués dans une virée de quatre jours, une épopée haute en couleur qui finira par les rapprocher l’un de l’autre
Tour à tour hilarant, émouvant et suave, Mariage à Mendoza reprend tous les codes du road-movie. Sur la route, se succèdent rencontres incongrues et situations cocasses. Gonzalo (Gustavo Kamenetzky), un maître d’hôtel névralgique, s’attendrit pour ce duo fantasque et s’enfuit avec eux en s’improvisant guide touristique. Puis, une jeune beauté (Paloma Contreras) respirant la poésie et le désir, embarque sans prévenir. Et voilà cette nouvelle famille recomposée en route vers le mariage du cousin, envers et contre tout.
Des nuits « calientes » de Callao y Corrientes aux déserts montagneux de la Cordillère des Andes en passant par les vignobles de Cafayate qui s’étendent à faire tourner la tête, notre joyeuse troupe vit à un rythme fou. En chemin, il y aura les plaisirs du vin et de la chair, une liqueur de prune, des médicaments perdus, une chasse effrénée aux voleurs de voiture, de la poussière de météorite, un cortège explosif de motards, et enfin, un mariage mis en péril par quelques lignes de cocaïne.

scène du filmAu départ, les caractères bien trempés des personnages surprennent un peu. On redoute vite de tomber dans la caricature devant Marcus, grand escogriffe babillard, ou en découvrant Antoine en pingouin engoncé dans son costume, prêt à vomir à tout moment. Mais la performance des acteurs vient pallier une superficialité qu’on pourrait craindre en délivrant des personnages emplis d’humanité. Mention spéciale aux deux frères, Nicolas Duvauchelle et Philippe Rebbot, à la superbe actrice argentine, sans oublier l’apparition poudrée de Benjamin Biolay.
Alternant moments de purs divertissements et parenthèses plus profondes sur les rapports humains, on se laisse facilement envelopper par cette généreuse comédie.
Tous les clichés sont là, mais nous réjouissent par une fraîcheur exceptionnelle au sein des films français contemporains. Et que vient donc faire Marvin Gaye dans toute cette histoire ? Comme Kim Basinger, il est là où l'on s'y attend le moins...

1 Entre autres : El secreto de sus ojosdeJuan José Campanella, 2009 et Carancho de Pablo Trapero, 2010

2 Petits enfers, 1998 et Je n’ai jamais tué personne, 2002

3 http://www.formatcourt.com/2010/08/%C2%AB-%C2%BF-donde-esta-kim-basinger-%C2%BB-d%E2%80%99edouard-deluc/

 

 

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