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Masterclass avec Dany Boon au Cinéma Vendôme

Publié le 13/12/2022 par David Hainaut / Catégorie: Dossier

Les ch'tis conseils de Dany

Dans sa volonté de diversifier le cinéma belge francophone, le Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel organisait, ce lundi 5 décembre, une rencontre avec Dany Boon, avec près de deux cents étudiants, scénaristes et réalisateurs.

L'occasion pour eux de s'entendre prodiguer quelques conseils, tout en échangeant avec l'auteur français à succès. Cela, après la projection inédite de son prochain film La Vie pour de vrai, qui sortira au printemps prochain.

Masterclass avec Dany Boon au Cinéma Vendôme

Bruxelles. Cinéma Vendôme, ce 5 décembre. Vu la demande toujours plus grande du secteur, des étudiant.e.s en cinéma et surtout du public de voir plus de comédies en Belgique francophone, le Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel a tenu à marquer le coup, en conviant Dany Boon à une masterclass, auprès d'élèves, de scénaristes et de cinéastes belges.

Une action symbolique de la part du premier organe au 7e art en Fédération Wallonie-Bruxelles, qui a d'ailleurs suscité l'intérêt espéré, vu la salle comble. Après la projection d'une version de travail de son dernier film (La Vie pour de vrai), retraçant le destin d'un quinquagénaire (Boon lui-même) qui, ayant toujours vécu dans un Club Med au Mexique, plaque tout pour retrouver en France son amour de jeunesse (Violette, jouée par Charlotte Gainsbourg), Dany Boon a répondu à quelques questions sur sa méthode de travail. Avec pas mal de rappels utiles – et inspirants - pour les initiés, qui auront apprécié ce temps gracieusement accordé par l'auteur de succès comme Bienvenue chez Les Ch'tis (2008), Rien à déclarer (2010), Supercondriaque (2014), Raid Dingue (2017) ou La Ch'tite famille (2018).

Laisser mûrir une histoire

"Pour qu'une comédie marche, il faut avant tout un fond dramatique. Les choses drôles partent toujours de la réparation de quelque chose de grave", a-t-il dit au micro de notre consœur Aurore Engelen (Cineuropa, Cinevox et Focus Vif), qui modérait cette rencontre. "Quand j'ai une idée comme ça a été le cas pour ce film, je la mûris - deux ans, ici – en laissant ensuite planer mon imagination. Pendant ce temps, je me documente pour connaître au maximum mon sujet, en interviewant différentes personnes. C'est seulement après que j'invente une histoire avec des gags. J'ai l'habitude d'écrire beaucoup et longtemps, en développant les personnages que je répartis en deux colonnes : une avec leurs désirs, et une autre avec leurs oppositions", a-t-il ajouté, en avouant préférer écrire de nouvelles histoires plutôt que de céder à la facilité des suites. "On m'en a souvent proposé, mais je préfère toujours inventer. Gérard Oury (La Grande Vadrouille, Le Corniaud...), un réalisateur que j'admire, n'en faisait d'ailleurs jamais..."

Se faire confiance

Pour Boon, la création reste "un moment particulier, où il faut se faire confiance et rester soi. Et surtout, ne jamais se décourager, en étant sûr de ce qu'on fait. En se disant aussi que l'originalité existe en chacun de nous. On doit se laisser la possibilité d'avoir des doutes, parce que cela fait partie du processus. N'oublions pas qu'écrire reste quelque chose de difficile, car on s'extirpe de la vie pour être seul, en luttant contre les sollicitations. C'est quand même courageux de rester enfermé chez soi pour ça, en devant parfois dire à ses proches « Désolé, je ne viens pas à ta soirée, car je dois bosser ». Ce qui n'empêche pas de marquer des pauses, bien sûr. Moi par exemple, c'est en prenant des douches où en faisant du vélo que de nouvelles idées me viennent", sourit-il. "Ceci dit, on s'aperçoit souvent qu'à la moitié du script, les choses sont moins rudes, car les personnages commencent à exister par eux-mêmes. Là, on peut plus se laisser aller."

Bien s'entourer

Une fois son scénario écrit, Boon effectue ensuite de nombreuses lectures. "Et je lis à voix haute, parfois accompagné de potes, pour rendre le truc plus vivant. Les acteurs sont rarement motivés pour faire ça, mais c'est indispensable. Quitte à même prendre d'autres acteurs, si ceux que vous avez choisi ne sont pas libres à ce moment-là. Ensuite, je refais des lectures avec des chefs de postes du tournage. J'écoute toutes les remarques, j'enregistre le tout et je retravaille le scénario en fonction de cela. Car j'insiste : un scénario de film, c'est avant tout énormément de travail." Puis viennent les avis des script doctors. "Sans dire qu'ils ont tous une parole d'évangile, leur expertise fait qu'ils posent en général de bonnes questions, ce qui permet de prendre du recul. En fait, tout le monde lit différemment donc, tous les avis de relecteurs sont bons à prendre. C'est donc important de bien s'entourer, et de gens de confiance."

Se former

Boon a plusieurs fois évoqué sa famille. "Quand j'écris, je pense souvent à mes enfants, qui vivent en ce moment dans un monde que je trouve violent, avec les réseaux sociaux. J'aime travailler sur des gags visuels, qui ont un peu disparu du cinéma ces dernières années, alors que c'est si universel !", regrette-t-il. "Parfois, je teste tout ça sur mes enfants. S'ils rient, c'est que c'est bon ! Et je m'inspire souvent de ma mère aussi. Mais dans mon cas, venant du one-man-show et étant habitué aux sketches, j'ai très tôt eu la chance d'avoir le rythme de la comédie dans l'oreille, pour savoir où aller. Même si l'écriture au cinéma est particulière, car il faut être plus original et plus synthétique : un dialogue qui dépasse quatre lignes, c'est trop long ! J'ai même suivi une formation, alors que j'étais déjà très connu, pour apprendre à bien structurer une histoire et faire des fiches". Une formation qu'il a complétée par la lecture de nombreux ouvrages, comme Story-Écrire un scénario pour le cinéma et la télévision, de Robert McKee, ou Comment identifier et résoudre les problèmes d'un scénario, de Syd Field. "C'est marrant, car tous ces gens qui écrivent ces bouquins de référence n'ont jamais eu de succès au cinéma. Mais ils ont suffisamment décortiqué de films pour livrer de précieux conseils. Je recommande vraiment ce genre de livres."

Se remettre en question en permanence

Concernant le film à proprement dit, Boon a détaillé : "Pour moi, on doit avoir un incident déclencheur dans les dix premières minutes, avec un héros central qui doit prendre une décision. C'est là que peut commencer l'histoire. Pendant le tournage, il m'arrive d'avoir de nouvelles idées et de réécrire certaines choses, ce qui panique parfois les acteurs (sourire). Même si sur un plateau, on doit surtout courir après le temps. Mais j'écoute tout le monde. Même les techniciens peuvent avoir des idées". L'ancien étudiant en arts graphiques à Saint-Luc de Tournai se dit conscient de sa chance, pouvant être à la fois scénariste et réalisateur. "De cette façon, je peux moi-même élaguer mes dialogues. Quitte à parfois supprimer de bonnes scènes ou des blagues – mais je l'ai dit, j'écris énormément en amont ! -, pour que le récit tienne la route, et préserver la cohérence de l'histoire."

S'enrichir

Après quelques interventions de l'auditoire, Boon a conclu par ces mots : "Avant d'écrire un film, c'est important de s'enrichir. S'enrichir des autres, du monde, de ce qui nous dépasse. Voir beaucoup de films aussi, anciens ou nouveaux. Moi par exemple, je vois un film par jour", rappelant que l'un de ses films fétiches est Bienvenue Mister Chance d'Hal Ashby (1979, avec Peter Sellers), racontant la vie d'un jardinier marginal qui, malgré lui, va influencer le président des États-Unis. Tout en citant d'autres cinéastes, comme Billy Wilder et Frank Capra. "Et je m'efforce de lire beaucoup, de voir des documentaires, d'aller voir des pièces. C'est tout ça qui m'évite d'avoir des angoisses et le syndrome de la page blanche. Mais finalement, écrire une comédie ne diffère en rien d'un drame. Là où c'est peut-être compliqué, c'est de parvenir à surprendre sur un sujet que les gens connaissent déjà. Mais le tout, je me répète, c'est de bien maîtriser son sujet, de bien connaître ses personnages et surtout, ne jamais se décourager !"