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Noura rêve de Hinde Boujemaa

Publié le 06/01/2020 par Marine Bernard / Catégorie: Critique

Dans ce premier long-métrage de fiction, Hinde Boujemaa raconte l’histoire touchante de Noura, une femme tunisienne qui s’oppose aux lois de son pays pour vivre pleinement sa relation passionnée avec Lassad. Mère de trois enfants et mariée à Jamel, un détenu récidiviste qui purge sa peine depuis plusieurs mois, elle rêve d’une vie meilleure. À quelques jours de la prononciation du divorce, la libération inattendue de Jamel la ramène brutalement dans une réalité qui se dégrade à mesure que les jours se succèdent.

La réalisatrice belgo-tunisienne poursuit l’idée forte de son documentaire C’était mieux demain sorti en 2012 qui mettait en lumière le parcours d’Aïda, une femme atypique persuadée que la Révolution sera une bénédiction pour son pays. De cette rencontre bouleversante est née une envie d’échanger avec d’autres femmes tunisiennes et de les faire parler d’une même voix à travers une fiction. Prisonnière de la société, Noura représente chacune d’elles dans leur volonté à combattre les tabous, l’institution judiciaire et les violences conjugales. Toutes ces femmes revendiquent le droit d’être enfin libres de s’exprimer.

 

Nouras rêve de Hinde Boujemaa

 

La réalisatrice nous plonge dans un thriller psychologique qui semble être un témoignage désenchanté et très cru sur l’état de la société tunisienne dans les milieux populaires. Dès les premières images, les sentiments se bousculent. Nous sommes dans l’attente, dépendant de la tension qui s’installe et qui s’accroît entre les différents personnages. Nous sommes touchés par la profondeur de leurs dialogues mais également frappés par la violence de certaines scènes. Par ailleurs, ce film nous séduit en termes de maîtrise technique. Les plans sont esthétiquement très beaux, baignés dans une tonalité terne répondant à une volonté de mixer les couleurs de ses deux cultures. Ce qui se produit hors champ est matérialisé dans les sons mais ne parasite jamais le trio d’acteurs. Aussi, la réalisatrice joue avec les cadrages serrés pour nous faire ressentir toute la tension de l’histoire et la sensibilité des personnages au caractère vraiment nuancé.

En Tunisie, l’adultère reste un sujet grinçant qui est sévèrement condamné par la loi puisqu’elle prévoit une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 5 ans pour les amants. À travers Noura rêve, Hinde Boujemaa nous livre un autre regard sur cette problématique. Elle ne cherche ni à nous apitoyer sur le sort de Noura, ni à porter un regard accusateur sur ses choix de vie. Sans pour autant banaliser ce fait de société, elle souhaite montrer que cela existe, bousculant profondément la vie de tout un chacun, et dans quelle mesure, il est possible de le gérer. Plus largement, elle interroge le mariage, les relations intimes, les pulsions et la jalousie des hommes et des femmes.

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