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Nuit debout de Nelson Makengo

Publié le 27/07/2020 par Marine Bernard / Catégorie: Critique

Nelson Makengo travaille actuellement à Kinshasa comme photographe et réalisateur autodidacte. Ses films documentaires questionnent les espaces, la mémoire et l’histoire du Congo et contribuent à déconstruire le fantasme occidental qui entoure le pays depuis l’époque coloniale.

Nuit debout de Nelson Makengo

Depuis que le gouvernement a lancé la construction du méga-barrage hydro-électrique Grand Inga sur le fleuve Congo en 2015, Kinshasa est en proie à de nombreuses coupures d’électricité. Etant en plus une région où le soleil se couche plus tôt que partout ailleurs, l’obscurité a pris, au fil des nuits, un tout autre aspect. Privés de leur source d’énergie, les kinois doivent lutter constamment contre la criminalité grandissante, le manque de lumière et le bruit permanent.

Nuit debout, son 6e documentaire, est le fruit d'un travail de réflexion photographique qui rend compte de cette problématique. En choisissant le titre Nuit debout, le réalisateur fait référence au mouvement contestataire éponyme dont il a été témoin en 2016 lorsqu’il était étudiant à Paris, un mouvement qui faisait entendre « la voix des sans voix. »

Au détour de ses errances nocturnes, Makengo a compris que les nuits de Kinshasa étaient elles aussi devenues des espaces où pouvait naître une certaine forme de résistance contre l’abandon de la population par son gouvernement obsédé par son projet d’ascension économique. Pendant vingt minutes, nous sommes absorbés par les images de la ville qui se suivent, qui se démultiplient et qui s’unissent tels un flux incessant à l’instar d’un environnement urbain bouillonnant qui ne cesse de se réinventer pour se réapproprier la lumière.

Nuit debout traduit une approche du genre documentaire très personnelle. Il fait de son film un travail plastique qui sublime la vie nocturne de Kinshasa. Comme pour ses précédents projets, la recherche esthétique fait partie intégrante du propos qu’il cherche à défendre. Le traitement de l’image entre véritablement en résonance avec l’histoire fragmentée de cette ville chaotique rongée par la violence et la corruption. Son film se déploie comme un triptyque qui présente tantôt une même image démultipliée, tantôt une association d’images différentes qui livrent plusieurs points de vue d’un même espace ou d’une même situation. Parfois l’obscurité totale marque une pause dans ce flux visuel. Les couleurs sont saturées, lumineuses et contrastées. Les sons urbains sont omniprésents et cacophoniques. Ce documentaire, proche de l’abstraction, bouleverse profondément nos sens.

Après la Biennale de Lubumbashi en octobre 2019, Nuit debout revient au Cinéma Palace en présence de Nelson Makengo le jeudi 30 juillet dans le cadre du Festival de cinéma En ville !

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