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Paroles intimes de Yves Dorme

Publié le 01/03/2006 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Critique
Paroles intimes de Yves Dorme

Un film sur la volonté de vivre passe-t-il par sa négation ? 
Sans doute faut-il frôler la mort à travers une maladie aussi capricieuse qu’une tumeur cancéreuse pour que la fureur de vivre se manifeste de manière aussi vive. C’est ce que nous donne à voir Yves Dorme, le réalisateur de Paroles intimes,en compagnie de Bénédicte, Jean-Paul et Marion qui nous font découvrir une épreuve que ceux qui ne l’ont pas vécue ont peine à imaginer. C’est un peu la découverte du continent noir, de l’autre face de la médaille. Les corps (les cellules) se battent contre un ennemi qui les rongent et que seuls certains types de chimiothérapies parviennent à guérir. Le cancer a ceci de particulier, c’est que notre pulsion de mort se bat contre notre pulsion de vie. Comment gérer l’inmaîtrisable ? Comment transmettre à nos cellules vitales le message que notre désir de vie est plus fort que notre désir de disparaître ?
Yves Dorme, avec des entretiens alternant les séances médicales (échographie, scanner, chimiothérapie etc.) dresse le portrait de trois personnes qui vivent avec la maladie. Bénédicte qui lutte contre les métastases d’un cancer du sein, nous dit : « C’est quelque chose qui me réconfortait. Si je venais à mourir, comme j’ai donné un sens à ma vie, ma mort en avait un aussi. Si je pars aujourd’hui, je suis venue sur terre et j’ai fait quelque chose de chouette (Bénédicte s’occupe d’enfants handicapés)… Je sais aussi que je suis encore un peu jeune et que je peux encore donner beaucoup».
Jean-Paul, quant à lui, se fait peu d’illusions, atteint de métastases au foie, il nous dit : « Je vais à l’essentiel –ce que ma maladie me commande de faire. Ma manière de survivre est de sentir les émotions autour de moi ». Celles de ses enfants et de la troupe de théâtre qu’il anime. Son souci est de savoir comment ses enfants vont vivre son décès après celui de son épouse morte elle aussi du cancer. «Tout ce que je vis est du bonus» nous dit-il après avoir éprouvé les effets secondaires d’une chimiothérapie vécue comme la présence de la mort.
C’est la chimiothérapie qui va cependant permettre à Marion de surmonter un cancer des os. On a rarement évoqué le purgatoire qu’un malade traverse en subissant une chimiothérapie via un baxter. Les cellules malignes sont encerclées et détruites. On assiste, avec impuissance, au combat à mort auquel se livrent nos cellules, dans notre propre corps. « J’encourageais mes cellules saines à se battre ! Dés que j’ai su ce qui m’arrivait, j’ai décidé d’en parler y compris à moi-même». Marion, qui a connu la chambre stérile et le traitement au LSD, est une rescapée. Elle a arrêté de prendre des médicaments et s’est prise en charge dans une solitude créatrice.
Le film d’Yves Dorme est extrêmement sobre, d’une construction narrative qui porte le sujet. Cela  permet ainsi de se centrer et de mettre en valeur la parole de Bénédicte, Jean-Paul et Marion qui tous trois se battent autant avec la maladie qu’avec eux-mêmes. Quel est le sens de la vie ? Mon désir de vie sera-t-il suffisant pour dépasser ma pulsion de mort ? Cette expérience sera-t-elle propice à un nouveau départ ? Une épreuve à traverser qui, après avoir traversé les abîmes, permet à certains de rebondir ? Les gens normaux peuvent être exceptionnels !

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