Pipa ferme les yeux, il se repose d’une vie déjà longue, Nona mélange ses regards aux faisceaux lumineux qui effleurent les rideaux de leur salon. Ils se tiennent la main, fort, elles sont scellées ces mains abîmées, pour toujours, jusqu’à la dernière ligne droite.
Pipa et Nona de Marie Christiaens
Publié le 02/05/2022 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique
Dans ce premier court-métrage, produit par A.P.A.C.H. en collaboration avec la H.E.L.B. et sélectionné au Festival Millenium dans la catégorie Jeunes Talents Belges, la jeune réalisatrice Marie Christiaens parle d’abord de ses grands-parents, Pipa et Nona, 87 ans. Mais, au-delà de ce couple, le film traverse la sphère intime et privée pour toucher l’universalité d’une mort annoncée.
La caméra entre dans cette maison, un refuge, orchestré à la perfection, le même depuis tant d’années. Un lieu qui reflète les habitudes, chaque objet à sa place définie, des sous-plats aux coussins. Tout est comme figé. Un lieu en suspens morcelé par des plans fixes qui renforcent l’immobilisme des protagonistes dont chaque déplacement est compté.
Chaque cadrage, choisi avec soin par la réalisatrice, a quelque chose de pictural, comme les tableaux qui recouvrent les murs du salon. Elle joue avec les clairs-obscurs au gré des jours et des nuits, le temps qui passe ne s’arrête jamais. Gros plan sur l’horloge. Cette esthétisation d’un intérieur, a priori banal, se dégage aussi des objets mis en scène. Il y a cette boîte à bijoux-trésors d’un autre âge d’où s’échappe la mélodie d’une berceuse enfantine, celle de leurs jeunes années.
Pipa et Nona, c’est un film sur la fin de vie, sur la peur de perdre celui ou celle qui a partagé sa route, sur la maladie qui fait irruption sans crier gare. Marie Christiaens fait dans l’épure et le silence et pourtant tout est dit. Après tant d’années, il n’est plus nécessaire de parler, un regard suffit, l’esquisse d’un sourire, une larme, un baiser sur le front. Bach qui résonne à l’intérieur et qui annihile les peurs.
