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Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki

Publié le 02/02/2010 / Catégorie: Sortie DVD

Alors que la tendance est à la 3D pour, soi disant, donner une nouvelle dimension magique au cinéma (mais ça reste à prouver), le grand Miyazaki qui nous avait déjà envoûtés avec Princesse Mononoké ou Le Voyage de Chihiro est un adepte du dessin à la main. Un luxe de nuances, d’effets colorés, de trouvailles qui se passe bien de technologie avancée pour nous conduire à l’émerveillement pur et simple. Son petit dernier, Ponyo sur la falaise sort enfin en DVD, et va en méduser plus d’un !

Ponyo sur la falaisePonyo sur la falaise - du ravissement

Des méduses transparentes de toutes les tailles envahissent l'écran; un sorcier à la crinière abondante nourrit des créatures aquatiques colorées d'une potion magique; une sorte de poisson rouge au visage humain (qui deviendra l’héroïne perpétuellement transformable du film), ruse pour échapper à la vigilance de son père le sorcier et s'éloigne de ses centaines de ses soeurs jumelles miniatures, pour se diriger, dans une bulle accrochée au dos rebondi d’une méduse, vers la surface de la mer. La magie de Miyazaki, maître de l'animation japonaise et figure emblématique du studio Ghibli, opère dès les premiers plans; c'est l'idée du ravissement, ce qui enlève de force ou transporte de joie, à l'image du flot par lequel Ponyo remonte à la surface de la mer, qui l'emporte sur le sentiment de faire face à un film "pour enfants" et qui mène à l'émerveillement. Avec Ponyo, Miyazaki nous entraîne dans le récit d'un poisson rouge, fille de sorcier et d’une déesse-mère aquatique, qui veut devenir humaine après sa rencontre avec Suseko, un petit garçon vivant dans une maison-phare avec sa mère dans l’attente de son père marin. Tout comme dans Le voyage de Chihiro, ce qui fascine Miyazaki c’est la formation d’une identité, la métaphore de l’initiation pour devenir un être à part entière - initiation qui ne se fait pas sans heurts et sans confrontation à la séparation et à la mort. De ses autres films, ressurgissent une fois encore les visages ronds, les créatures adorables (les kawai en japonais), mais aussi le rapport à la mort (toujours proche), le passage à l'âge adulte, l'animisme ambiant qui finit par envahir l'espace et l'univers de Suseko. Cet univers est sans limites, c’est celui où les vagues obéissent au sorcier, où la taille des poissons peut dépasser celle des montagnes et envahir le monde des humains, où règne la déesse-mère.

L'équilibre de l’ensemble est parfois instable, menaçant de basculer dans le trop simple, mais évitant toujours le mièvre ou l’acidulé. L'innocence parfaite qui émane de ce film nous emmène, de perle en perle, d'éclat en éclat : les petites soeurs concentrant leurs efforts pour faire éclater la bulle qui retient Ponyo prisonnière, Ponyo courant sur des poissons-vagues pour rejoindre Suseko, Suseko dialoguant avec Ponyo alors qu'elle n'est encore qu'un poisson aux yeux trop grands au fond de son seau vert, Ponyo dont le corps hésite entre l'état de poisson au visage humain, humain aux pattes de poulet ou petite fille aventurière aux cheveux roux. Autant de trouvailles qui deviennent notre monde, au gré d'une narration suivant une ligne claire mais parfaitement articulée, récit émaillé, pour les adultes et les plus petits, par des références multiples - de la petite sirène (Ponyo veut devenir humaine, mais risque de se transformer en écume si Suseko ne l'aime pas) à Wagner (des accents de symphonies wagnériennes accompagnant la montée du tsunami).

Ponyo sur la falaise nous renvoie à l'univers enchanté de Mon ami Totoro plutôt qu'à Princesse Mononoke. C'est le récit vécu au travers des yeux d'un enfant, au coeur même du principe essentiel de l'animation - créer un monde qui ne peut exister qu'au travers du dessin, un monde inaccessible si ce n'est par la force du trait et de la magie du mouvement cinématographique. Mais arrêtons ici notre critique et laissons la place à la magie de Miyazaki car, comme l’écrit Marianne Massin dans son livre sur le ravissement, à tenter de comprendre, ne risque-t-on pas de résorber l’extraordinaire ? 

Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki – Edition Cinéart / TwinPics