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Rencontre avec Amira Daoudi

Publié le 15/07/2015 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

EXPO AMIRA DAOUDI "FROM FILM TO POSTER"

Les affiches de films, celles punaisées sur les murs des ados, celles qui trônent sur les devantures des cinémas, celles qui ont marqué nos esprits… Pour ma part, c'est celle de Mon Oncle de Jacques Tati, réalisée par Pierre Étaix : sur fond rouge, deux silhouettes blanches dessinées, l'oncle, le neveu, le petit chien noir et les chaussettes à rayures. Créateurs d'affiches, ces artistes de l'ombre qui fabriquent ces images indélébiles sont finalement rarement mis à l'honneur. C'est pourquoi la jeune graphiste et directrice artistique belge Amira Daoudi, formée à Sint Lucas, a décidé de montrer son travail dans une exposition : "From Film to Poster" qui se tient du 19 juin au 28 juillet 2015 au cinéma Galeries à Bruxelles. 

L'expo mêle extraits de films, affiches, matériel inédit de recherche graphique. L'artiste veut susciter la réflexion du visiteur sur le rapport et le passage du film à l'affiche.

Passionnée de cinéma depuis son plus jeune âge, Amira Daoudi s'est lancée dans la conception d'affiches de films, il y a cinq ans. Elle crée sa première affiche pour son ami Gust Van den Berghe, réalisateur de Little Baby Jesus of Flanders. Depuis ce premier projet, les demandes ne cessent de s'accumuler côté flamand, francophone et au niveau international. Elle a produit des affiches pour les films de Michaël Roskam, Nicolas Provost, Wim Vandekeybus, elle a également collaboré à des projets internationaux tels que À perdre la raison de Joachin Lafosse.

Fabriquer des affiches, mais aussi travailler sur la communication et le graphisme autour d'un film, les déclinaisons d'une affiche (que ce soit pour les sites web, les DVD, etc.), voilà son travail de directrice artistique.

Concrètement, comment ça marche ? Souvent, le réalisateur la contacte juste avant la fin du tournage, au moment de la post-production.

"Souvent, je vois le premier montage et parallèlement avec la fin du film, je crée l'affiche. Parfois, je fais des captures d'écran, parfois il y a un photographe de plateau qui me donne du matériel pour travailler. Je peux aussi travailler avec des dessins, des montages.

Pour réaliser une affiche de film, il faut prendre en compte différents aspects. Il faut d'abord faire quelque chose d'esthétique, de beau, quelque chose qui soit en rapport avec le film, qui ne soit pas un mensonge. Ensuite, il faut que l'affiche soit efficace, qu'elle invite le spectateur à aller voir le film, il faut tenir compte du public pour lequel le film est fait."

La difficulté, c'est de traduire le film dans toutes ses dimensions : le son, le rythme, le mouvement, le message, l'histoire… En quelque sorte, il s’agit de "traduire tous ces aspects en une image immobile." Amira peut réaliser une affiche en quelques jours, mais cela peut aussi lui prendre quelques mois, "cela dépend du film, de l'inspiration et des délais de commande."

Amira Daoudi, infographisteComme les marchés du cinéma divergent en fonction des pays, il n'est pas rare de devoir réaliser plusieurs affiches pour un même film. "Il y a comme des codes, des non-dits sur la communication, sur le genre des films. Apparemment dans certains pays, ils sont plus présents que dans d'autres. Par exemple, quand on parle d'une comédie, elle doit être sur fond blanc, quand on parle d'un film d'horreur, elle doit être sur fond noir et parfois il est vraiment nécessaire d'utiliser certains clichés pour communiquer sur le film. Dans certains pays où l'acteur ou l'actrice est moins connu(e), on va peut-être jouer plus sur d'autres formes pour communiquer sur le film. Idéalement, je cherche à trouver un visuel qu'on peut reprendre partout, mais comme il y a aussi un aspect marketing, il faut être certain que ce soit clair."

Grâce au cinéma Galeries qui fait souvent le pont entre le cinéma et d'autres disciplines artistiques, Amira Daoudi peut enfin montrer son travail.

"On s'est dit, avec Cinéma Galeries, qu'on allait miser sur la qualité et non sur la quantité. On a fait une petite sélection de quelques films qui soulignent certains aspects de la création que j'avais envie de montrer. J'invite le spectateur à entrer derrière l'affiche. Je montre comment l'affiche se crée dans un espace de temps et de travail.

Sur certains films, j'ai décidé de montrer les maquettes, c'est important de montrer comment on est arrivé à ce résultat-là. Je peux faire une centaine de maquettes avant d'arriver au projet final ! Je peux aussi en faire une centaine alors que j'ai l'affiche dès le début et revenir à mon projet d'origine. Sur certaines affiches, je veux plus jouer sur l'image captivante, sur l'émotion, la sensation. Je trouve cela important de montrer, à côté de l'affiche, la scène du film qui m'a inspirée, montrer l'émotion en mouvement. Les visiteurs auront également l'occasion de voir les films liés aux affiches présentées, films qui ne sont pas toujours facilement accessibles."

 

Pour plus d'informations: http://www.galeries.be/2015/05/29/amira-daoudi/?la=fr