De l'autre côté du pont de pierre… Keskeseksa, please ? Un étrange ovni que nous avons reçu en DVD, suite à un email de Reynald Halloy. Il nous signale que suite à l'entretien que nous avons eu avec Patrick Leboutte sur Le geste cinématographique, il s'est décidé à nous envoyer, par la poste, son dernier film. Certes, mais encore ?
Nous regardons le film qui nous intéresse, et décidons de rencontrer le réalisateur pour qu'il nous explique son cheminement dans le monde du cinéma. Pas dans le virtuel, mais dans la réalité. Après avoir monté quatre étages pour atteindre l'antre artisanal de Cinergie.be, nous faisons la connaissance de Reynald Halloy, le réalisateur de De l'autre côté du pont de pierre.
Le septième art est plein d'explosions en tout genre, dont celle de faire un projet qui, la veille d'être tourné, s'écroule… ou mieux, pendant le tournage, laisse quelques rushs au réalisateur ou au producteur. Mais il y a pire, une pellicule de trente heures de rushs disparaît dans les flammes de votre maison. C'est ce qui est arrivé à Iyawo, un long métrage tourné par Reynald Halloy pendant 6 mois co-produit par Michel Jakar et le WIP. Iyawo, parti en nuages, était consacré aux rituels et aux chambres de cultes. Vous ne croyez pas au vaudou ? Vous avez tort…
Reynald Halloy, réalisateur de De l'autre côté du pont de pierre
Le réalisateur qui arrive à se sauver des flammes en perd sa passion pour le cinéma qui a démarré dès son adolescence, en pratique, à l'aide d'un appareil photo. À 18 ans, il quitte le village d'Hamerenne, dans les Ardennes belge, file au Brésil pour se confronter à la réalité sociale du pays, devient comédien, réalisateur de théâtre, musicien. Après ce périple entre deux mondes, passant de la tranquillité à l'intranquillité, il revient en Belgique. Passionné par le septième art, il s'inscrit à l'ERG, et réalise un premier court métrage, Odile. Tourné en pellicule 16mm, il nous conte l'histoire des ténèbres d'Odile (aveugle) qui devient voyante (la lumière). Découvrir le visible après l'invisible, les zones d'ombre de la vie ne sont-elles pas les lumières de demain ?
On y trouve déjà Sébastien Tran au cadre et Ariane Mallet au montage qui vont suivre le parcours cinématographique du réalisateur. Après un passage à vide consistant aussi à payer les dettes pour les fumées de Iyawo, la mort de son père le renvoie à l'image cinématographique.
De l'autre côté du pont de pierre, tel un caillou, roule et traverse Bruxelles. De Drogenbos au bassin fluvial de Quai du commerce (derrière la place Sainte-Catherine), de la périphérie au centre, avec l'eau comme fil conducteur du film. C'est aussi le mouvement d'un corps dans le temps, dans l'avant et l'après en dehors du monde aveuglant de la mythologie de l'instantané. Le film nous parle de l'extension, possible, tout aussi ritualisée, mais différemment, des peuples dits «primitifs» ou de la zone pacifique et asiatique. Le film aborde un Bruxelles inédit via un caillou (rien à voir avec le petit chien portugais de Richard Olivier), et nous plonge des rues aux ruelles d'une ville de Bruxelles qui vaut bien une messe comme Paris. La dernière séquence du film est un acte psycho-magique prescrit par Alejandro Jodorowsky dans une séquence musicale qui essaie de nous faire entendre ce à quoi nous sommes sourds. Rendre visible l'invisible qui est présent et pas absent du tout dans les cieux comme certaines croyances nous l’expliquent. Se déconnecter pour se connecter. Bizarre, vous avez dit bizarre, comme c'est étrange disait Louis Jouvet dans Drôle de drame, en citant Prévert. Disons, plus simplement, que nous préférerions voir ou participer à une transe des Indiens dans leur monde plutôt que dans un spectacle de leur monde.
Trois films à découvrir, le premier s'inspire de Tarkovski.
Disponibles en DVD, les films Odile, fille de lumière, Ondas Surdas, De l'autre côté du pont de pierre réalisés par Reynald Halloy. Par ailleurs musicien, il sort un cd musical : Chrysalide.