Saïgon sur Marne de Aude Ha Leplège

Le vent souffle, une musique traditionnelle vietnamienne chuchote sur un album photo. Le film est envisagé comme un podcast illustré, la parole forçant l’image. C’est bien la voix qui guide la mise en scène et donne à voir une sorte de film de famille. La réalisatrice s’intéresse au quotidien, entre deux courses et dîners avec beaucoup de légèreté. Il y a une mise en abyme du processus de création, la réalisatrice elle-même tient un rôle dans le film, celle qui scelle et consigne l’histoire et celle d’une petite fille. À l’enregistrement de leurs voix, Aude Ha Leplège donne une forme en mouvement. La voix se métamorphose en dessin et accompagne leur récit avec bienveillance.

De leur rencontre au Vietnam lorsqu’ils étaient à peine âgés de 20 ans, de leur fuite vers la France lorsque les bombes éclatèrent, ils se souviennent en détaillant le moindre geste, la moindre parole. Jusqu’à aujourd’hui, les deux protagonistes nous dévoilent les heurts et les bonheurs, les étapes fondatrices d’une existence : de leur amour, de leur enfant, de leur relation, de la guerre, l’exil, les regrets, les communistes qui fouillaient sur le quai. En 1968 ont lieu des offensives menées par les Viet Cong et l’armée populaire vietnamienne. C’est au mois de la même année qu’ils décident de tout quitter pour partir en France. Ils reviennent sur leur dernier moment là-bas, la déchirure de quitter leur pays où ils vécurent dix ans ensemble : un moment de séparation.

Bien que le procédé soit classique, il n’en demeure pas moins nécessaire. Saïgon sur Marne offre une place aux vaincus de l’Histoire et nous intime d’être les témoins de leur vécu.