Petit billet d'humeur pour revendiquer une place digne au cinéma de création...
Introduction
Ces six derniers mois, la culture a essuyé de bien dures attaques. Déjà à genoux par un travail de qualité phénoménal réalisé dans la précarité généralisée, le secteur culturel a dû trouver les ressources nécessaires pour lutter contre le mépris du politique, sa logique marchande de gestionnaire et son impuissance totale et affichée à chercher à (re)valoriser la culture. L'absence totale de réelle politique culturelle nous marque dans la chair comme une maladie incurable creuse les joues du mourant.
Politique et culture. Marché et culture. Y a-t-il un mariage heureux possible entre ces termes ?
Et le cinéma dans tout cela, ce secteur schizophrénique par excellence, qui cache derrière un même mot, à la fois un art et une industrie audiovisuelle, peut-il trouver les moyens de se montrer réellement uni derrière une revendication commune, la seule valable, celle de la défense de la culture ?
La gestion de la misère. Est-ce donc tout ce qu'il nous reste à faire jusqu'en 2005, aube de la nouvelle ère de tous les possibles, si l'on en croit le discours des ministres compétents.
On retiendra de ce printemps les grandes batailles de la Cinémathèque et du Théâtre National, deux institutions légendaires qui ont réussi à réunir derrière elles - juste le temps nécessaire diront les cyniques - l'appui d'un secteur culturel uni et indigné. Des moments de lutte et de dialogue vers l'extérieur (et dans le cas du National de débats internes au sein de la profession) dont j'imagine qu'elles sont sorties grandies. Oubliés momentanément les inégalités de traitement, les divergences artistiques, les crises internes, les logiques corporatistes, les susceptibilités, les egos... l'objectif était à chaque fois la survie à long-terme d'un art menacé dans sa chair.
Le théâtre a réussi à poser d'emblée la seule vraie question essentielle. Celle d'une culture qui se débat entre un secteur marchand et un secteur politique visiblement de moins en moins convaincu par le bien fondé des notions de culture et de service public. Aujourd'hui on ne sait plus vraiment si la culture fait partie des projets et des priorités du monde politique.
On a senti avec " l'affaire du National " la valeur ajoutée que peuvent créent ces moments de lutte et de débats : une identité collective, une histoire commune soudainement retrouvées. La dernière soirée du National, sorte d'assemblée libre, était émouvante de dignité. Le cinéma n'a pas encore réussi ce pari là...
Le climat est donc malsain, et les signes de danger sont visibles. Je dois avouez être un peu pessimiste. Je pense que la crise de sens dans laquelle sont entrés la culture et le cinéma en particulier, pourrait bien marquer un tournant irréversible si l'on ne choisit pas ce moment pour trouver ensemble, tous secteurs artistiques confondus, une position et une éthique commune à l'attitude du monde politique. De quelle culture rêve le politique pour la traiter ainsi ? Nous ne pouvons pas accepter que la culture soit toujours ce boulet qu'on traîne, cet invité mal élevé qui gêne à table parce qu'il ne sait pas bien se servir des couverts en argent.
Mise en difficulté par le politique, menacée par l'impunité réservée au marché, la culture doit répondre de manière claire, ferme, sans concessions, et dans un front commun qui unit toutes les disciplines artistiques. Il y va de la survie même de cette notion de culture.