Sortie DVD de Shadows
Le film
Invité à la radio, John Cassavetes en profite "pour dire aux auditeurs que, s'ils voulaient voir un film qui parle des gens tels qu'ils sont vraiment, il fallait qu'ils envoient de l'argent. C'est ce que les auditeurs ont fait, et comme ça le film a pu exister". Si les conditions de production sont originales, le tournage basé sur l'improvisation des acteurs le fut tout autant (ce que précise un carton final : "ce film est une improvisation". Cassavetes, jeune comédien issu de l'American Academy of Dramatic Arts de New-York, après avoir tourné dans un film de Martin Ritt, crée le Variety Arts Studio qui regroupe une troupe de 19 acteurs. Il les laissent improviser un psychodrame à partir d'un canevas tournant autour du problème racial. Les scènes étant enregistrées avec une caméra 16mm.
Nous sommes à l'aube des années soixante, dans les caves de Greenwich village où garçons et filles, noirs, blancs, métis dansent au son d'une musique de rock. On découvre Ben l'aîné d'une famille qui comprend Hugh, le cadet et Lélia, la soeur métisse. Celle-ci a une aventure avec Tony, un blanc qui ne peut vaincre ses préjugés racistes. Le film se tourne en huit semaines à l'aide d'une pellicule ulta-rapide (18.000 mètres de films en 16mm). Trente heures de rushes dont la resynchronisation et le montage demanderont un an et demi de travail. Le film d'une durée de 60' est présenté au Paris Theater de New York et provoque l'enthousiasme d'une partie du public notamment de Jonas Mekas qui lui décerne le "Prix du film indépendant". Pourtant, insatisfait, afin de donner plus de consistance aux propos du film, Cassavetes tourne deux semaines supplémentaires, remonte le film, le fait gonfler en 35mm et nous donne la version définitive d'une durée de 87'. Bien que basé sur l'improvisation, Shadows est un film qui a été écrit, réécrit. On pourrait d'ailleurs parler davantage de spontanéité, de sincérité que d'improvisation. De nombreuses prises ont été effectuées. Lelia Coldoni a expliqué que pour la scène du baiser avec Tony, la scène a été refaite : "57 fois ! A la fin, j'avais les lèvres toutes enflées, des lèvres de boxeur ! Je me souviendrai toujours de cette scène8. Mais s'il voulait la reprendre, c'est qu'elle ne fonctionnait pas..." (in Portraits de famille).
La mobilité de la caméra de Cassavetes obéit à une règle simple, la scène est juste ou elle ne l'est pas. Il dit : "J'ai vu des scènes prises sous sept, huit angles différents, elles étaient toujours bonnes si la scène était bonne, toujours mauvaises si la scène était mauvaise. Pour moi, ce qui est important c'est de convaincre le public que ce qui se passe sur l'écran se passe vraiment." Ajoutons l'apport essentiel de l'improvisation musicale. Cassavetes demande à Charlie Mingus d'improviser la musique du film. Choix d'autant plus judicieux que le jazzman a composé Fables of Faubus, pour attaquer le gouverneur de l'Arkensas qui en 1957 refuse à 15 élèves noirs l'entrée de l'école de Little Rock.
Le réalisateur
John Cassavetes est né à New-York, en 1929 et mort en 1989. Après des débuts d'acteur au cinéma dans Foorteen Hours d'Hathaway, il joue au théâtre, réalise Shadows en 1958-1959 et joue dans la série Johnny Staccato pour payer les dettes du film. Après une expérience hollywoodienne (Too Late Blues et A Child is Waiting) qui s'avère impossible avec les méthodes de tournages de Cassavetes celui-ci réalise Faces (1968). Suivent : Husbands (1970), Minnie and Moskowitz (1971), Une femme sous influence (1973), Meurtre d'un bookmaker chinois (1976), Opening night (1978), Gloria (1980) et Love Streams (1984).
Bonus
Outre le chapitrage, des propos écrits sur le film. Le DVD comprend, sous forme de livret, une introduction à l'oeuvre de Cassavetes par Thierry Jousse ainsi que sa filmographie et celle des principaux acteurs de "la famille" Cassavetes : Gena Rowlands, Ben Gazzara, Seymour Cassel.
Pour en savoir plus, lire : John Cassavetes, Portraits de famille, éd. Ramsay.
Shadows de John Cassavetes, DVD, format 4/3 compatible en 16/9. éd. : Opening, coll. : Les Films de ma vie.