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Strip Tease Intégral

Publié le 20/01/2025 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Le film qui vous déshabille

Pour fêter les 40 ans de Strip-tease, la série culte conçue par Jean Libon et Marco Lamensch, diffusée entre 1985 et 2012, Strip-tease Intégral nous propose, cette fois sur grand écran, cinq peintures touchantes et absurdes – mais toujours aussi vraies que nature – des vanités de la société humaine dans leur plus merveilleuse banalité. 

Strip Tease Intégral

L’Odeur de l’Essence, de Stéphanie De Smedt, suit Cassi et Shady, deux jeunes ‘influenceuses’ en goguette à Dubaï, rémunérées pour vendre des appartements de luxe grâce à leurs réseaux et vidéos. Des représentantes de commerce qui vendent littéralement du vide, dont le goût du luxe, le manque de pudeur, les agaçants tics de langage (elles sont en kif total, genre !) et l’incapacité à se concentrer ne serait-ce que 10 secondes sur autre chose que leur nez ou leurs fesses les rendraient presque touchantes. Impossible de ne pas s’esclaffer lorsque Cassi vit un blanchiment des dents comme un accouchement. Difficile aussi de ne pas rester coi devant le portrait de cette génération ‘Instagram’ d’une tristesse assez insondable… 

 

Miroir, mon beau Miroir, de Régine Dubois, suit les mésaventures théâtrales de Coline, une comédienne de stand-up amatrice de 55 ans au Festival d’Avignon. Jouant son spectacle devant des parterres de six personnes dans une salle minuscule, elle est accompagnée par Denis, son époux, qui s’occupe de la « mise en scène ». Un peu de mime, un peu de chant, un peu de danse, un peu de politique… Voilà pour le programme. Seulement voilà… le spectacle de Coline est nul. Et la gêne se lit sur les visages des spectateurs égarés dans la salle. Devant ces réactions peu enthousiastes et les critiques assassines, Coline se rend compte qu’elle n’est peut-être pas faite pour ce métier… Portrait d’une femme audacieuse, mais égarée, en pleine remise en question, c’est sans doute l’épisode le plus cruel du lot.   

 

Zéro Déchet, de Clémentine Bisiaux, quant à lui, nous présente Anne, une mère de famille adepte du recyclage sauvage, qui rend ses enfants dingues en leur imposant son obsession comme mode de vie. Entre les leçons de nettoyage de WC au vinaigre et le PQ recyclable, cette écologiste convaincue ne semble pourtant pas convaincre grand monde… 

 

Les Antécédents familiaux, de Mathilde Blanc, est l’histoire d’Olivier, le père de la réalisatrice, un hypocondriaque compulsif qui harcèle son cardiologue en lui réclamant de nouveaux tests, affolé qu’il est par les antécédents de cancers du foie dans sa famille. Or, à part le stress et une tension un chouïa trop élevée, Olivier est en bonne santé. Alors qu’il se pourrit la vie à prédire le pire et se plaint de douleurs dans la poitrine (qui ne sont que « dans sa tête »), il en oublie la douleur bien réelle, elle, de son épouse, qui vient de subir l’ablation d’un sein. Cet épisode doux-amer culmine sur une réconciliation, sur l’air de Comme une Maladie, d’Aznavour, que le malade imaginaire chante à sa femme pour se faire pardonner… 

 

Enfin, Bidoche, de Yves Hinant et Jean Libon, le segment le plus radical, est à réserver à un public averti puisqu’il nous montre une autopsie en plan fixe : un cadavre vidé de ses organes par un médecin légiste d’un grand professionnalisme, qui commente froidement ses gestes. Un médecin que l’on retrouvera plus tard déguisé en drag queen dans une boîte de nuit... 

 

Si Strip-tease a révolutionné l’histoire de la télévision et fait naître de nombreuses vocations (on ne compte plus les cinéastes qui, en interview, se réclament pour un oui ou pour un non de son influence), l’émission reste encore, dans l’ensemble, assez controversée. L’objectif de départ était de proposer des documentaires sans journalistes, sans questions, dans lesquels les commentateurs s'effaceraient pour laisser parler leurs sujets en filmant des passages de leur vie quotidienne, dans l’espoir de se laisser surprendre par le réel, de trouver de la spontanéité dans le quotidien. « Croquer l’humain dans sa globalité avec ses joies, ses craintes, ses peurs, son amour, sa gentillesse, son humour, ses qualités, ses vices, ses défauts », mais sans être lisse, en montrant parfois leurs pires travers… Si certains épisodes étaient des chefs d’œuvre de poésie, le voyeurisme inhérent à un tel exercice pouvait néanmoins mettre mal à l’aise en tournant ses protagonistes en dérision et en les instrumentalisant, bien que les réalisateurs s’en défendent toujours. Certes, leur poésie, leur belgitude s’avéraient souvent irrésistibles et le regard était plus attendri que réellement cynique. Mais que reste-t-il vraiment du programme aujourd’hui si ce n’est des extraits « cultes » qui tournent en boucle sur YouTube ? 

 

Le débat continue et, quoi qu’il en soit, Strip-tease Intégral nous présente des protagonistes complexes, qui ont accepté de se livrer sans fard, et ne réconciliera pas le programme avec ses détracteurs. Si l’on peut avoir du mal à saisir le fil conducteur entre ces cinq nouveaux segments, ils restent fidèles à l’esprit de la série : entre gêne et émotion, entre rires jaunes et humour noir, entre célébration de la banalité et intrusion dans des histoires (trop) intimes.

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