Dans Tongo Saa, le réalisateur Nelson Makengo nous emmène dans un voyage empli d’un esthétisme visuel à travers la vie nocturne de Kinshasa. Les habitants de la capitale doivent faire face à des pannes d’électricité en continu et de ce fait, la population issue des quartiers les plus défavorisés manque cruellement de son confort. Elle doit redoubler de prudence tous les soirs face aux bandits et aux violeurs dans la pénombre. Nous suivons principalement Kudi qui se plie en quatre pour dégoter un nouveau câble électrique en récoltant de l’argent chez ses voisins. Des inondations viennent davantage perturber leur quotidien déjà chaotique.
Tongo Saa de Nelson Makengo

Le film prend place dans une nuit pesante et s’accompagne d’une musique qui nous prend aux tripes. Les airs oppressants et ces images nocturnes composent un climat intense. Les voisins se retrouvent pour entonner des chants mystiques grandioses à la gloire de Jésus pour créer une harmonie touchante et transcendante leur offrant un moment de répit, d’évasion, d’espoir. Certains prêcheurs déploient aussi d’impressionnantes lumières pour attirer de nouveaux adeptes. Toutes ces prières leur permettent aussi de déverser leur peine ou d’exorciser leurs pires démons. Le tour de force majeur de ce film apparaît dans sa capacité à nous émerger dans la réalité des intervenants pour en sentir les subtilités. De magnifiques paysages nocturnes nous offrent des instants de contemplation.
Comment ne pas être aussi ébloui·e·s par leur remarquable capacité d’adaptation et leur courage inouï ? Les vieilles dames tombent dans les crevasses obscures et risquent de se casser les os. Les mères hors d’elles s’époumonent pour protéger leurs filles des dangereux prédateurs. Les enfants entendent les nouvelles de suicides de leurs proches. Hommes comme femmes s’échinent à rester forts pour braver leurs éventuels agresseurs, mais ils se partagent malgré tout leur hargne et leurs rêves d’un avenir meilleur.
Ce documentaire à la fin relativement heureuse nous dépeint un hymne à l’esprit d’entraide et de communauté où une humanité résiliente persiste malgré d’indicibles épouvantes qui peuvent rythmer un quotidien marqué par la précarité.