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Un pays plus beau qu'avant de Hannes Verhoustraete

Publié le 20/03/2019 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Les intellectuels, au cœur des démarches vers l’indépendance du Congo, promulguaient avec vigueur, la volonté de «bâtir un pays plus beau qu’avant». Dans ce documentaire qui porte le même slogan, Hannes Verhoustraete dresse le portrait des errances d’un homme d’affaires congolais à Bruxelles. Ses errances renvoient à celles éprouvées par la diaspora congolaise, bloquée entre plusieurs identités, rêvant toujours de bâtir … un pays plus beau qu’avant.

« J’étais jeune, moi. 25 ans quand je suis arrivé ici. Maintenant j’ai plus de 50 ans et c’est fini. »

À cette phrase prononcée en voice over dès le début du documentaire s’ajoute des images fixes, des visages inconnus, parfois floutés, et puis, des photographies de famille, tel un roman photo d’antan. Jean-Simon apparaît en pleine procédure administrative suivie de négociations sérieuses concernant l’achat d’une voiture. Ces transactions, presque sous le manteau, comme des contrebandiers, nous renseignent sur ce microcosme économique et son urgence hebdomadaire. L’errance urbaine dans les quartiers de la diaspora congolaise tisse des liens intimes avec la situation politique et sociale au Congo. La caméra s’obstine non pas à montrer des négoces, mais la diversité identitaire propre à la diaspora. En filigranes des opérations consistant à envoyer des containers, ou à importer des produits pour les revendre, le réalisateur donne la parole à la jeunesse congolaise bruxelloise, tantôt lors de la fête des soixante ans d’indépendance du Congo, tantôt lors des manifestations contre Kabila. Et les errances reviennent encore, se perdent au détour d’un plan pour donner à entendre la voix de ceux qui racontent la colonisation, de ceux qui forcent le regard vers l’histoire.

En 1956, la publication du Manifeste Conscience Africaine passe totalement inaperçue : la Belgique étant trop focalisée sur la crise du canal de Suez et la catastrophe minière de Marcinelle. Seul le journal néerlandophone Het Volk publiera le Manifeste en son entier, et le journal Le Soir soulignera son importance, car pour la première fois, c’est l’opinion politique d’un groupe congolais qui est publiée. Aujourd’hui, les Congolais de la diaspora, hantés par l’autrefois, tentent de construire une identité plus forte que leur déracinement malgré les divergences qui les animent. Le son d’un saxophone mélancolique surgit dans la nuit sombre, sur les pavés noircis, des hommes marchent silencieusement avec le portrait de Lumumba. Et puis, toujours ces mêmes errances. Encore, comme seules nécessités pour comprendre d’où l’on vient.

Le réalisateur revient ensuite sur les vans de marchandises de la Gare du Midi à l’aide de plans plus expérimentaux ou des ralentis, l’arrêt sur image et les accélérés se nouent aux images d’archives et aux discours de Patrice Lumumba. Un montage riche, qui oppose avec violence les pierres précieuses et ressources africaines utilisées par les blancs. Car ce n’est ni l’Europe, ni les Etats-Unis, encore moins la Chine, qui bâtiront une République démocratique du Congo, plus beau qu’avant. Mais ce sont bien ces visages-là, ces visages perdus dans la diaspora.

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