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Une bosse dans le coeur de Noé Reutenauer

Publié le 03/10/2022 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

Kirill, c’est un romantique. Du genre le chevalier qui brave les dangers de la forêt pour aller sauver la belle princesse apeurée et enchevêtrée dans les ronces. Du genre « comme dans les contes de fée ». Kirill, c’est la bague au fond du verre, le mariage, la nuit de noces. Kirill, c’est son rêve de trouver une amoureuse. Mais Kirill, il n’est pas comme les autres garçons, il est trisomique. Kirill, il a une bosse dans le cœur et ça fait mal, parfois. Alors, comment on fait pour trouver une amoureuse quand on est différent ?

Une bosse dans le coeur de Noé Reutenauer

Noé Reutenauer, diplômé de l’IAD en 2013, avait déjà rencontré Kirill Patou en 2015 alors qu’il suivait sept personnes souffrant de déficience intellectuelle dans Zoufs. Dans Une bosse dans le cœur, prix du jury et du public au dernier Brussels International Film Festival, le réalisateur place Kirill au centre du film et de l’image. Il est désormais un adulte d’une trentaine d’années, il aime les belles fringues, il est stylé, il singe les rappeurs qui passent en boucle dans ses oreilles et il cherche l’amour.

C’est quoi être amoureux ? Avoir des papillons dans le bidon ? Avoir des étoiles plein les yeux ? Avoir les jambes en coton ? Avoir le cœur qui bat la chamade ? Avoir envie de serrer l’autre très fort tout le temps ? Être triste quand l’autre n’est pas là, sentir comme un vide ? Avoir des projets de mariage, d’enfant, de voyage ? C’est avoir mal parfois ? Avoir juste envie de regarder le ciel quand le temps s’est arrêté ? Être amoureux, c’est un peu tout ça à la fois. C’est l’histoire d’une vie, c’est l’histoire des flirts, des amourettes, des relations, des liaisons, des passades, c’est furtif, c’est durable, c’est instable, c’est intense.

Kirill, il est obsédé par ces questions, du matin au soir, dans sa chambre, devenue musée où des centaines de femmes découpées par ses soins l’observent, à ses ateliers d’arts plastiques où il décline le corps féminin à sa manière, à ses ateliers de théâtre où ses camarades lui disent qu’il hallucine avec ses histoires de princesses et qu’il doit redescendre sur terre, avec son père qui l’emmène dans un salon spécialisé de l’amour et qui l’encourage à dépasser sa vision un peu trop idéalisée. Kirill s’est forgé un idéal d’amour et accepte difficilement les remarques extérieures. Le jeune homme aimerait être comme les autres, draguer n’importe quelle fille mais il sait qu’il ne peut pas. Il voudrait de la tendresse. Juste de la tendresse.

Noé Reutenauer connaît bien son protagoniste, devenu son ami, et montre bien toutes les contradictions qui l’habitent. Il met en avant la difficulté de Kirill à être avec les autres, les handicapés et ceux qui ne le sont pas. Le film, à la fois tendre, rythmé et intelligent, repose sur ce personnage au cœur tiraillé, entre vie réelle et vie rêvée, et sur cette question des relations amoureuses et sexuelles des personnes handicapées.

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