Ours d'or à la dernière biennale de Berlin, Une séparation d'Asghar Farhadi fait connaître un réalisateur iranien qui en est déjà à son cinquième long métrage.
Une séparation d'Asghar Farhadi
Le jeu des apparences et de l'être, de la vérité et des mensonges ne sont pas que des thèmes iraniens, même si Abbas Kiarostami, dans Close Up a montré avec brio l'énigme d'une manipulation qui vire en procès chez un juge qui essaie de discerner le motif qui anime l'accusé.
On ne s'attendait donc pas à ce qu'un autre réalisateur iranien s'en serve en grimpant encore plus loin dans les chemins de traverses qu'offre le processus du couple victime/accusé. On en reste pantois. Dans Une séparation, il ne s'agit plus d'un faux cinéaste qui se fait passer pour un vrai au milieu d'une famille qui croit à la magie du cinéma, mais d'une famille qu'un mensonge envoie dans les chausse-trappes d'un procès où le doute ne cesse de s'insinuer.
Une séparation démarre sur un couple en conflit, proche de... la séparation. Rappelons que c'est le sujet favori de la screwball comedy des films de Preston Sturges, Howard Hawks, ou les frères Coen (pour rester proche du XXIème siècle). Changement d'espace, nous sommes en Iran, même si c'est sans chador (juste des femmes en voile comme ma grand-mère qui adorait les fichus) et dans une société ouverte et cultivée qui capte Internet comme tout un chacun. On est donc dans un Téhéran en dehors de l'enfermement des croisés arriérés et déconnectés des Ayatollahs, mais dans un conte de fée qui vire du rose au gris.
Ce n'est donc pas seulement un conflit entre deux classes sociales, classe moyenne et pauvres gens du peuple, mais entre le sentiment des femmes et l'esprit guerrier des hommes autour de la vérité. Pas celle des rhétoriciens qu'adorent nos publicistes, mais celle de Socrate qui dialogue avec ses adversaires pour essayer de s'en approcher. Ce n'est pas l'ombre d'un doute, mais la lumière d'un doute. Le zigzag de la vérité.
Filmé à la Cassavetes avec une caméra fluctuante, dans une ville qui vit à du cent à l'heure, sans répit comme ce procès qui en est la métaphore. On plonge le spectateur dans un antagonisme qui ne cesse de fluctuer autour d'une vérité qui s'esquive d'un protagoniste à l'autre autour d'une petite fille qui essaie de comprendre un monde d'adulte bien étrange.
Le dialogue percutant des personnages est assuré et incarné par des acteurs qui sont les pivots du film. Une séparation est un petit bijou d'esquisses, de feintes, de croisements, d'obliques tel un conte persan.
Une séparation, de Asghar Farhadi, édité par Cinergie, distribué par Twin Pics.