Cinergie.be

Waarom Wettelen? de Dimitri Verhulst, 2024

Publié le 22/10/2024 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Joyeuses funérailles

« Tous au cimetière, raides et 10 pieds sous terre. Tous dans une boîte en sapin !... », chantait jadis Tatayet, éduquant sans la moindre délicatesse une génération d’enfants traumatisés sur le sort qui nous attend tous… Aujourd’hui, c’est au tour de Christine, mère de famille d’une cinquantaine d’années, partie trop tôt. Alors que son cercueil vient d’être mis en terre dans une fosse boueuse et que le curé prononce son eulogie surgit le notaire de la défunte, brandissant une lettre indiquant (un peu tard) ses dernières volontés : Christine souhaitait être enterrée à Wettelen à l'issue d'un cortège funèbre traditionnel. La nouvelle crée la stupéfaction chez son mari, Bast (Peter Van den Begin), et leurs trois enfants, car personne ne connaît l'existence de ce village ni ne sait pourquoi elle voulait y être enterrée... Un groupe hétéroclite de dix personnes va donc marcher pendant plusieurs jours derrière le corbillard en direction de Wettelen. Mais Wettelen existe-t-elle vraiment ?...  Au gré de cette longue expédition, les proches de la défunte constatent qu’ils ne la connaissaient pas vraiment et les liens familiaux sont solidement chamboulés. Peut-être Christine essaie-t-elle de leur dire quelque chose ?...

Waarom Wettelen? de Dimitri Verhulst, 2024

Comédie noire virant, dans son troisième acte, à l’absurde le plus total (Wettelen se situe dans un pays imaginaire où tout le monde parle un charabia incompréhensible), le premier film de Dimitri Verhulst - auteur notamment des livres La Merditude des choses et Un Ange, tous deux adaptés à l’écran, respectivement par Felix Van Groeningen et Koen Mortier (ce dernier étant crédité ici comme producteur) - trouve miraculeusement l’équilibre (pourtant si fragile) entre drame familial, comédie burlesque (tantôt bon enfant, tantôt franchement scatologique) et surréalisme à la belge. Un drôle de mélange pour une farce souvent hilarante et parfois très bizarre, qui crée de l’empathie envers une dizaine de protagonistes qui, en cours de route, s’avéreront moins caricaturaux ou ridicules qu’on ne le pensait au début. Parmi eux, un mari terrassé par la tristesse (le toujours excellent Peter Van den Begin), trois enfants adultes paumés, suspectant - à raison - que leur père n’est pas leur père, une sœur handicapée dont le fauteuil roulant va créer des complications sur la route, un conducteur de corbillard philosophe, une « funeral crasher » en quête d’amour, qui prend les enterrements pour Tinder, ainsi qu’un flirt de jeunesse lourdingue de la défunte. 

Dès la scène d’ouverture, où le corbillard emmenant la dépouille passe au car wash, en passant par une cérémonie religieuse aussi gênante que mémorable (le curé évoque dans son discours les soucis des intolérants au lactose, une amie d’enfance fait part au public de détails bien trop intimes concernant la défunte), le ton est donné ! Et durant les nombreuses étapes de ce pèlerinage forcé (nuit blanche dans une abbaye, invitation à une fête de mariage qui culmine dans une scène de dancing déchaînée, visite d’un cirque à l’abandon, adoption d’un chameau…), des liens se tissent, d’autres se renforcent, des révélations sont mises au grand jour et le cercueil en voit de toutes les couleurs ! 

Si l’on peut regretter quelques détours dans une vulgarité assumée, ce périple digne de la Communauté de l’Anneau en chemin pour Mordor, émaillé de gags, se termine dans une émotion inattendue avec une scène dansée d’une grande poésie. Dimitri Verhulst signe un film résolument original et personnel, particulièrement prometteur pour un premier essai.

Tout à propos de: