Métier : Journaliste - Rédacteur, Réalisateur
Ville : Bruxelles
Province : Bruxelles-Capitale
Pays : Belgique
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Libérer la terre et les étoiles
Je voulais faire du cinéma comme on descend dans la rue, un pavé à la main et la rage en dedans. J'avais au coeur des coups de feu qui s'appelaient Godard, Kramer, Mocky et la passion de détruire ce qui me détruisait, d'envoyer aux pâquerettes cette vie goudronnée par mes aînés. L'art de marcher et de filmer au pas polluait jusqu'à l'air des cimes et s'il était question de faire table rase du passé, j'étais de ceux qui voulaient bazarder et l'histoire et la table. Fin des années 60, l'euphorie de ne plus être seul à dire non, la beauté de l'insoumission, la fragilité d'un imaginaire débridé galvanisaient mes rêves les plus fous et mon enthousiasme à brûler barrières et entraves se voulait sans limites. Dans les rues, s'inventait un cinéma fait de risques et d'assauts Molotov où frémissait une parole inconnue, surprenante, mobile, en guerre contre la société. Des regards, des idées, des complicités nouvelles voyaient le jour. Et ce cinéma pulsait d'un projet fabuleux, d'un désir passionné : vivre. Et pour cela, il fallait se battre. Magique et expérimental, frénétique et engagé, sans limites et fou de lui-même, il courait à l'essentiel, voulait parler au genre humain, libérer la terre et les étoiles et tisser le réseau d'une communauté d'enragés et d'amoureux de la vie où il ferait bon voyager. Et ce voyage je voulais en être. Par tous les moyens et faire des films en était un. Après vinrent l'angoisse, le désespoir et l'oubli dans cette mort douce, confortable et volontaire. Cette acceptation gluante des défaites. Mais derrière les murs de cette visqueuse servitude, ce projet insensé de lézarder jusqu'à l'écroulement ce qui nous réduit en esclavage, perdure et palpite, et hurle encore. Et des films restent à faire jusqu'au sabotage final. La "plus belle image du cinéma" de ces derniers mois se cache dans le regard de Florence Rey, et si la société a les criminels qu'elle mérite, il en va de même pour les films que je veux toujours faire.