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Amer d’Hélène Cattet et Bruno Forzani

Publié le 10/10/2009 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Une vraie jeune fille ?

Avis aux amateurs de genre, ils vont sans doute se régaler. Présenté au Festival du Film de Namur dans la compétition Emile Cantillon, Amer, premier long métrage d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, est une sorte de créature hybride entre Russ Meyer et Dario Argento, totalement et absolument seventies, qui déplie sa grammaire cinématographique à l’infini, un système presque autoréférentiel, super supra cinéphilique qui devrait en réjouir plus d’un. Aussi fascinant qu’agaçant, amusant qu’ennuyeux, Amer laisse finalement plutôt perplexe.

Trois temps, trois genres. Dans une grande maison perchée dans les collines, Ana est une enfant soudain confrontée à la mort au travers du cadavre de son grand père, terrorisée par la folie du deuil de la femme qui l’accompagnait, et qui, surprenant la scène originelle (ses parents qui font l’amour), associe désormais Eros et Thanatos un peu trop violemment.

Première partie : style film d’horreur italien gothique (les réalisateurs nous l’explique dans le dossier de presse). Deuxième temps, Ana est devenue une jeune adolescente sexy en rivalité avec sa mère. Elle découvre les hommes à moto, et la fascination qu’inspire son corps. Style Pinku Eiga (ou films érotiques soft seventies japonais, soft porn version image, mais hardcore version fond sadomaso).
Troisième temps, giallo : Ana revient dans la maison de son enfance, hantée par ses désirs et ses frustrations (ralentis entrecuisse, accrochages d’épaules saignantes et coups de rasoir à la clé. Là, on est chez Bava).
Pratiquement muet, Amer est noyé de sons ultra zoomés, ambiance respiration haletante, cuir qui craque, clé grinçante, et se construit autour d’inserts de gros, très gros plans, répétitions, chromatismes, champ-contrechamp en duel de western et échelles de plans tourneboulées tourneboulantes, le tout dans des ralentis et autres temps suspendus…
On se réjouit de voir que le film de genre en Belgique continue de s’affirmer, et qu’il est soutenu, enfin, par la Communauté française. Et Amer est très réussi : on reste pantois devant le magnifique travail cinématographique qui témoigne d’une grande maîtrise, et en fait un film véritablement brodé à la main avec une très grande minutie. Ce cinéma fascine parce qu’il est sous hypnose, totalement autoréférentiel. Dans le cinéma de genre en général, et dans celui qui cite tout ce qu’il aime, ce qui est jouissif pour le spectateur, c’est sa gratuité, le plaisir maniaque et obsessionnel d’une compulsion répétée en boucle pour le plus grand bonheur du spectateur (« Papa, raconte-moi encore cette histoire…»).

AmerAu final, si l’on pense au premier film de Catherine Breillat, Une vraie jeune fille, tourné en 1976, longtemps censuré et totalement sadomaso, c’est parce qu’Amer semble lorgner, sans tout à fait le vouloir, vers ce portrait de femme là. Extrêmement violent chez Breillat, parce qu’il était infiniment politique, il vitriolait la cellule familiale grimaçante, boueuse et hypocrite, les clichés amoureux figeant les corps dans des émois surfaits, et l’impossible affranchissement féminin en dehors de la violence.Le meilleur baroque de Dario Argento sert aussi de très beaux personnages féminins violentés, ou des intrigues vertigineuses à la Profondo Rosso. 
Et quand ils ne sont pas faussement peinturlurés de bonhomie érotique finalement très subversive, les films de Tinto Brass sont infiniment politiques par leur violence, quand justement l’érotisme et le corps sont ce par quoi la raison et le social sont rejetés comme des ordures à la périphérie de l’humain, inversion radicale des valeurs. Quant au citeur par excellence, Tarantino, il raconte vraiment des histoires, toujours des vengeances, et le plus souvent, celles de femmes qui s’affranchissent de toute tutelle masculine et gagne leur liberté, à force de bras de fer magnifiques, qui les laissent le plus souvent en charpie, mais gagnantes.
Mais là, rien de tout ça : la complexité du lien Eros et Thanatos se réduit à une sorte d’hyper stylisation du concept, qui, du même coup, devient un peu grossier. On la croirait presque venue de nulle part, pas née d’une famille ni d’une culture, cette Ana, pauvre enfant traumatisée, devenue une érotomane maniaque… et la femme, c’est bien connu, est toujours son pire ennemi, mante religieuse autophage. Voilà peut-être pourquoi on sort d’Amer un peu ennuyé par une stylistique compulsive qui finit par devenir attendue et affectée parce qu’elle ne désigne rien d’autre qu’elle-même. Et on se dit « Ben, non, quand même ! Pas tout ça pour ça ?!!! ». Alors, on est admiratif, un peu déçu, et vaguement amer, à notre tour…

Première partie : style film d’horreur italien gothique (les réalisateurs nous l’explique dans le dossier de presse). Deuxième temps, Ana est devenue une jeune adolescente sexy en rivalité avec sa mère. Elle découvre les hommes à moto, et la fascination qu’inspire son corps. Style Pinku Eiga (ou films érotiques soft seventies japonais, soft porn version image, mais hardcore version fond sadomaso). 

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