Cinergie.be

Atraksion de Raoul Servais

Publié le 01/09/2001 / Catégorie: Critique

La sortie d'un nouveau court-métrage de Raoul Servais ne fait pas davantage la une des journaux que celle de courts métragistes peu ou pas connus. Elle n'en est pas moins attendue par nombre d'amateurs qui suivent avec passion le parcours de ce réalisateur aujourd'hui septuagénaire. Une sélection officielle à Venise (hors compétition) arrive à point nommé pour nous rappeler l'estime dont le réalisateur jouit partout dans le monde.

Atraksion de Raoul Servais

Devenu à son insu mais sans désagrément le porte drapeau du cinéma d'animation de notre pays, Servais s'ingénie à surprendre son public, apparaissant chaque fois là où on l'attend le moins. Après un Papillons de nuit relativement classique, animé avec la "servaisgraphie, Servais a abandonné celle-ci pour Atraksion. Sans remords. Il est même allé plus loin puisque son film n'est pas un film d'animation: Atraksion a été tourné en prise de vues réelles. Des comédiens déguisés en bagnards ont été grimés et stylisés, au point de ressembler aux... personnages d'un film d'animation. Sous la houlette de Servais et de son assistant Rudy Turkovics, ils se sont livrés à un exercice qui doit davantage à la pantomime qu'au jeu d'acteur. Filmés sur fond bleu, ils ont ensuite été incrustés à des décors photos retravaillés à l'ordinateur par Virginie Bourdin. " Oeil pour OEil " a assuré l'importante part infographique du projet. C'est la première expérience cinématographique pour ce studio Lillois spécialisé auparavant dans le multimédia et l'Internet. Des bagnards qui traînent leur énorme boulet en regardant vers une lumière d'apparence inaccessible vont de surprises en déconvenues en tentant de l'approcher. On a déjà connu argument plus éblouissant (sans jeu de mot). Mais par-delà la trop apparente métaphore, chaque film de Servais est un voyage onirique et visuel qui devrait échapper à une interprétation pesamment littéraire. Atraksion obéit plus que jamais à cette règle. Il faut le voir comme une séquelle des rêves éveillés dont use le réalisateur, transformant son sommeil paradoxal en atelier d'écriture. Servais aime dire qu'il n'est pas un intellectuel, aussi les interprétations qui vont malgré tout accompagner son nouveau film le laisseront comme d'habitude amusé ou perplexe. On retrouve dans Atraksion tout ce qui a fait son succès: un univers dont le propos initial sert avant tout une atmosphère et une vision poétiques. Si l'on ajoute à cela un découpage serré et une chute en cascade, on obtient un de ces courts ciselés auquel il nous a habitués dès les années soixante. Après un long métrage émasculé par sa production (Taxandria) et un Papillons de nuit laissant un goût de trop peu, il semble que Raoul Servais a retrouvé un bel allant.  

Philippe Moins

Tout à propos de: