Au bord de la Folie de Tawfik Sabouni

À Bruxelles, aujourd’hui donc, une guerre fait rage. D’un côté, des policiers harcelants, humiliants, et surtout violents, jusqu’à la mort donnée, que racontent tous les témoignages de ce film. De l’autre, des jeunes gens exaspérés de vivre dans l’humiliation et la peur, celle de tomber lors d’un énième contrôle policier, en l’absence de caméras et de témoins. En donnant la parole au frère de Mehdi, aux mères qui luttent, aux jeunes gens qui racontent leur quotidien tissé d’humiliations et autres contrôles au faciès, Tawfik Sabouni raconte la peur et la colère qui grondent. Et il scande son film d’images de manifestations contre les violences policières où l’affrontement explose. Là, dans les dernières images du film, la violence des manifestants prend alors tout son sens : elle est rage contre l’oppresseur… Avec finesse, Tawfik Sabouni donne aussi la parole à un policier qui voudrait bien nier un certain nombre de propos des autres intervenants du film mais n’y arrive pas vraiment, minimisant tous les actes en questions, tout en reconnaissant ce qu’il nomme lui-même le « délit de sale gueule ». Sans une certaine maladresse qui dit aussi l’urgence du film et la fragilité de ses conditions de tournage, Au bord de la Folie se veut un témoignage brûlant qui vise non seulement à donner la parole aux victimes mais aussi à éveiller la conscience de tous. Cette suite de témoignages hétérogènes qui racontent tous le même vécu humiliant et violent, fait en effet de ces actes commis majoritairement contre les personnes racisées, le problème de tous. Car pouvons-nous vivre dans une société bâtie sur autant d’injustices, de violences et de racismes où personne n’est à l’abri de l’arbitraire ?