Le Festival Filmer à tout prix dont la huitième édition aura lieu les 21, 22 et 23 novembre proposera un nombre impressionnant de courts, moyens et longs métrages belges. Nous y reviendrons le mois prochain. En attendant, sans plus attendre, nous vous présentons Black metal le nouvel opus de Marilyn Watelet.
Black Metal de Marilyn Watelet
Coucou, fais-moi peur
Dans l'arrière-salle d'un bistrot de campagne, sous une lumière rouge sang, une musique d'enfer appelle le règne des ténèbres et soulève une centaine de jeunes Black métals en une parodie de messe noire et de combats barbares.
Pareils à de modernes Fantomas, les Black métals font peur.
L'image la plus courante qu'ils donnent d'eux-mêmes est celle de jeunes rockers à la dégaine agressive, tout de noir vêtus et bardés de métal, les cheveux longs défaits sur des visages peints version vampire avec autour du cou des crucifix renversés et des croix celtiques de sinistre mémoire.
Ils se présentent comme les nouveaux guerriers des hordes sataniques, les champions forcenés des forces du mal et vouent un culte féroce à la pure négation, transgressant de leur musique sacrilège un ordre social qu'ils refusent.
Face à ces adeptes déjantés d'un rock blasphématoire, les médias jouent la carte du sensationnel, les associant vite fait bien fait aux pires débauches des sectes lucifériennes.
Et les politiques de surenchérir, faisant des Black métals les figures emblématiques d'une nouvelle extrême-droite, trouvant dans leur philosophie de la destruction, dans leur xénophobie galopante et dans leur nostalgie d'un Moyen-Age qui sent bon son chevalier teuton les signes d'un néo-fascisme plus que dangereux.
Filmer au-delà de la peur
Black metal, le nouveau film de Marilyn Watelet, nous fait entrer dans ce petit milieu du rock satanique et, de concerts en rencontres, s'attache à suivre ces jeunes gens en rupture de société.
Loin d'illustrer un jugement préconçu, Marilyn Watelet risque son film derrière l'image que les Black métals donnent d'eux-mêmes et que les médias et les politiques reprennent et amplifient.
Ce qui l'intéresse, c'est de filmer ce que racontent ces corps menaçants, ces gestes violents, ces visages agressifs quand on ne joue pas le jeu de l'effroi qu'ils prétendent susciter ; c'est de retrouver, au-delà de la peur, l'aventure qui éclaire une telle accumulation de signes de violence, une telle fascination pour le morbide et pour le mal.
Pour se faire, elle se focalise sur la banalité des situations et fait naître son point de vue dans l'instant du regard, dans ce vécu immédiat qui implique autant celui qui filme que celui qui est filmé.
Simple, exemplaire, sa démarche ne s'embarrasse ni de discours, ni de justification. Jouant le jeu subtil de la curiosité et des surprises qu'elle entraîne, elle va jusqu'au bout de ce que l'image révèle et réussit un film qui, sans en avoir l'air, déroute et crée malaise.
Car sous le masque menaçant du label Black metal, apparaissent des adolescents largués, fragiles, confus, en quête d'identité et pour le moins malades d'une révolte qui cherche encore le sens de son refus.
La force du film de Marilyn Watelet est d'avoir su assumer l'ambiguïté d'une approche personnelle, subjective, allant parfois jusqu'à la sympathie sans jamais pour autant cautionner l'indigeste fatras idéologique qu'ânonnent ces jeunes gens durant les rares interviews du film.
Et si Black metal dérange, fait politiquement incorrect, c'est qu'en ne condamnant pas d'emblée la dérive Black metal, il met en cause insidieusement la société qui produit et stigmatise de tels comportements.
Et c'est là sans doute où ce film va loin, trouve son propos et fait mouche. Car face à la peur que représente le spectre du Black metal, cette peur qui autorise toutes les lâchetés, Marilyn Watelet semble nous chuchoter tout au long de son film que ce qu'il nous faut craindre aujourd'hui, ce n'est peut-être pas tant le bruit des bottes que le silence des pantoufles.