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Éboueurs de Jean-Christophe Yu

Publié le 01/10/1999 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

La poésie de la benne à ordure  


S'il n'est pas de sot métier, comme on dit, il en est qui prêtent sans doute moins à rêver. Qui aurait l'idée, par exemple, de faire un film sur les éboueurs, ces damnés qui nous débarrassent de nos déchets, qui rendent la ville vivable, sans trop de germes ni de rats, et que personne ne regarde jamais ? Eh bien Jean Christophe YU l'a fait.

Éboueurs de Jean-Christophe Yu

Avec le souci d'aller vraiment à la rencontre des êtres humains qui, dehors par tous les temps, s'accrochent à l'arrière des camions dans la grisaille furtive des petits matins. De par le sujet, on n'échappe pas à un petit côté "Strip-Tease", avec la différence fondamentale que le regard du cinéaste est empreint d'un profond respect de l'autre qui constitue, par sa simple présence, une formidable leçon de tolérance au quotidien. Cela donne un film peu banal : pétillant de vie et de chaleur humaine, captivant, vivant. La caméra de Jean Christophe Yu est extrêmement mobile, inquisitrice, un peu impertinente. Elle part en tournée avec les hommes et dans les rues de Liège, la nuit. Elle grimpe dans les camions, sur les bennes, presque dedans. Elle pénètre sans complexe dans les couloirs d'un restaurant prestigieux pour observer de l'intérieur le personnel rassemblé pour jeter au monstre détrituphage sa pâture quotidienne de sacs plastiques. On est, non pas à la suite, mais avec les "boueux". Au hasard des échanges, elle raconte les coups durs d'un métier épouvantable qui balafre les jambes et ruine le dos. Mais elle partage aussi la solidarité, la chaleur des moments de détente. Et surtout, elle nous fait participer aux discussions entre le cinéaste et ces hommes. Ce sont de vrais dialogues pris sur le vif, où l'on se regarde dans les yeux. Jean Christophe Yu sait isoler les formules qui touchent, les scènes qui frappent juste. Et l'on est à plusieurs reprises confondu devant la maturité, la pondération, la sagesse de ces propos. "Le vrai bonheur", dit, en pesant ses mots, un protagoniste du film, "c'est d'être regardé pour ce qu'on est réellement." Avec Jean Christophe, il n'est pas passé à côté.

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