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Ce Magnifique Gâteau ! de Emma De Swaef et Marc James Roels

Publié le 27/11/2018 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Au Temps Béni des Colonies

Cette anthologie animée de 44 minutes, située en Afrique coloniale à la fin du 19e siècle se compose de cinq vignettes consacrées à cinq personnages différents. Dans Le Rêve du Roi, le Roi des Belges, tourmenté, fait un étrange rêve, attiré dans la serre tropicale de son château par le chant entêtant d’un coucou. À son réveil, le souverain sénile émet le souhait d’avoir sa propre colonie africaine…

Dans Le Pygmée de l’Hôtel, Ota est le premier pygmée de sa tribu (ou de ce qu’il en reste) à trouver du travail dans un prestigieux hôtel de tourisme. Grâce à sa petite taille, il fait office de cendrier itinérant pour les riches clients. Sans dire un mot, il observe les coutumes étranges de ces Européens fous, arrogants et prétentieux…

Le Destin de Van Molle suit un odieux héritier qui a fui sa Belgique natale en emportant la considérable fortune familiale, se réfugiant au fin fonds de la jungle afin d’y vivre une existence décadente. Dans le somptueux palais érigé à sa gloire, il passe ses journées à boire et rencontre un bien étrange escargot…

Dans Le Porteur Perdula rencontre entre un porteur miraculeusement sauvé des eaux du fleuve et un clarinettiste maladroit provoque un drame…

Enfin, Le Déserteur raconte l’aventure de Louis, qui entre la prison et la vie aux colonies, a choisi la seconde solution. Il se retrouve perdu dans la jungle, sur la trace de l’héritier disparu de la famille Van Molle…

« Un film militant et non politique », c’est ainsi que les réalisateurs de Ce Magnifique Gâteau définissent leur projet, un pamphlet mordant et lugubre. Avec leurs vignettes désenchantées et empreintes d’humour noir, ils examinent à la loupe la colonisation de l’Afrique et ses conséquences en termes de déracinement culturel, de pillage des ressources et de génocides « ordinaires ». Entre ironie et tristesse, le moyen-métrage fait le portrait de la folie des puissants et des explorateurs, personnages grotesques et alcooliques, et du désespoir grandissant des tribus africaines, éternelles victimes impuissantes de la cupidité et du racisme.

Brillamment réalisé en stop-motion, avec des figurines aux visages en feutre et d’étonnants décors en coton et tissu, parcouru de belles séquences oniriques, magnifié par un formidable environnement sonore (sans oublier des partitions de Debussy, Ravel, Liszt ou Saint-Saëns), Ce Magnifique Gâteau est le constat amer et pourtant étrangement poétique d’une période noire où les sautes d’humeur d’occidentaux tyranniques dictaient la survie ou la mort des locaux. C’est le portrait d’un pays vandalisé, pillé et ridiculisé par l’arrogance, où des palais majestueux (entouré de haies de crânes humains) sont édifiés sur les cadavres des pauvres pygmées qui ont aidé à les construire. Un magnifique gâteau difficile à avaler !

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