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Charlotte de Eric Warin et Tahir Rana

Publié le 02/03/2022 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Cet animé retrace le parcours tragique de Charlotte Salomon (1917-1943), jeune peintre berlinoise morte à Auschwitz. Son œuvre unique est considérée par certains comme le premier roman graphique moderne, par d’autres comme une création sans équivalent vu sa dimension historique. L’époustouflant roman de David Foenkinos a remis en lumière le travail de cette artiste exposée au Musée historique juif d’Amsterdam. Son ouvrage a ému près de 500.000 lecteurs depuis sa publication (prix Renaudot, finaliste prix Goncourt et finaliste du Globe de cristal du meilleur roman 2014). 

 
Charlotte de Eric Warin et Tahir Rana

Charlotte raconte la vie d’une jeune fille, orpheline de mère, et vivant dans une famille juive aisée du Berlin chic de l’entre-deux-guerre. De son rêve de percer aux Beaux-arts de Berlin à sa fuite sur la Côte d’Azur chez une expatriée américaine, la construction du récit met en lumière plusieurs peintures de l’artiste dont l’œuvre permet de révéler l’atrocité d’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’Humanité.

Boulimique de sa passion, pressée par le temps pour terminer son œuvre intitulée Est-ce la vie ou du théâtre ? (original : Leben? oder Theater?), Charlotte Salomon a peint plus de 1200 gouaches en 18 mois durant l’occupation allemande. Sa démarche fut complètement visionnaire d’un point de vue artistique et aux antipodes des règles enseignées à l’époque à l’Académie des Beaux-Arts sous l’Allemagne nazie. Cette opposition entre art moderne et art allemand fait partie de la propagande de Joseph Goebbels et Adolf Hitler dans le domaine des arts-plastiques. En résulte que les œuvres qui relèvent de l’expressionnisme allemand des années 1910 furent considérées durant cette période comme de l’art dit dégénéré.

Le travail artistique de Charlotte est brillamment mis en scène à l’écran par Eric Warin et Tahir Rana. Par moments, on voit littéralement ces peintures apparaître  sous nos yeux. Les réalisateurs n’ont pas pour autant décider de reproduire les peintures et les techniques utilisées par l’artiste avec exactitude. Si la dimension artistique est bien présente dans le film, le récit se concentre plus sur le vécu de cette jeune fille que sur son art à proprement parler.

Notons par exemple que les gouaches et aquarelles de Charlotte Salomon n’étaient composées que de blanc, de rouge vermillon, de jaune moyen et de bleu outremer. Dans le film, on voit également d’autres couleurs, comme le noir par exemple. Lors d’une interview pour un média anglo-saxon, le duo Warin/Rana explique sa volonté de rendre les dessins plus réalistes et lisibles que dans la réalité afin d’appuyer la dimension dramatique du film et renforcer l’attachement aux personnages.

Charlotte, c’est une histoire sur la vie et la mort, l’amour et la trahison, la beauté de l’art et la détresse d’une artiste torturée par la vie. Les couleurs sont belles, la narration est de qualité avec la voix de Marion Cotillard dans le rôle de Charlotte. Le générique de fin, composé d’images d’archives, des photos des héros du film ainsi que des différentes peintures de Charlotte, conclut avec brio cette histoire émouvante et passionnante.

Ce film touchant nous rappelle l’horreur de la guerre. Cette histoire est d’autant plus émouvante qu’elle fait écho à l’actualité en Europe où la guerre d’Ukraine pousse des centaines de milliers de civils à fuir le pays pour se réfugier dans des pays voisins.

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