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Comme des lions, la lutte ouvrière au cinéma

Publié le 14/03/2016 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

 

Comme les usines Renault de Billancourt ou de Vilvorde, le site d’Aulnay créé en 1973 a incarné durant de nombreuses années la réussite de l’automobile française et fut un des principaux employeurs de la région parisienne. L’usine fut le théâtre de nombreux conflits sociaux. En 1982, un premier grand mouvement de grève est mené par les ouvriers immigrés pour le respect de la liberté syndicale, des salaires et des conditions de travail. C’est à ce moment que la CGT s’installe dans l’entreprise. En 2004 et en 2008 se produisent deux nouveaux conflits dont les souvenirs vont jouer un grand rôle dans l’état d’esprit des travailleurs en 2012.

 

PSA Peugeot- Citroën, second groupe européen a vendu 3,6 millions de voitures en 2010.C’était son record historique. Le tournage du film débute en novembre 2011,trois mois après que les syndicats aient découvert un calendrier de fermeture de l’usine en 2014. Trois mille personnes dont 400 intérimaires vont y perdre leur travail. Le site d’Aulnay sera démantelé en février 2015.
Françoise Davisse est née et a toujours vécu en « banlieue rouge ». Elle partage les valeurs de lutte ouvrière et admire ses militants, leur combativité. Ce sont des «  têtes dures ». Impliquée, dès le début de la grève, elle voulait voir de l’intérieur la stratégie menée « par des gens qui ne renoncent pas à la bagarre. » Elle renoue avec une tradition de la parole ouvrière qu’illustrèrent notamment les films de Dominique Dubosc sur Lip, dans les années 70, ou ceux réalisés chez nous par André Dartevelle pour la télévision.
Elle privilégie de montrer les moments, tout au long de la grève qui dura quatre mois, où les ouvriers se saisissent de la parole pour construire ensemble une pensée cohérente face à la direction de l’entreprise, à la duplicité des pouvoirs politiques et des médias.
Sa caméra est proche des visages, dans les discussions et lors des actions tentées pour éviter la fermeture de l’usine . Elle trace quelques beaux portraits de syndicalistes, de femmes ne renonçant pas à la lutte, après la perte de leur emploi. Elle donne aussi la parole à ceux qui ont baissé les bras. L’énergie qui se dégage à la vision du film répond bien au désir de la cinéaste de plonger le spectateur au cœur du conflit, « comme s’il était lui-même au milieu des ouvriers et qu’il ait à se déterminer sur la stratégie de la grève et la manière d’y prendre part. »
Comme des Lions est un documentaire engagé qui ne se résigne pas à la mort de la classe ouvrière, à l’amertume des défaites. On doit y voir un acte de résistance en des temps où les grèves et les syndicats qui les mènent sont souvent dénoncés par une politique néo-libérale que ce soit en France ou dans notre pays.

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