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Faudra-t-il bientôt mentionner qu’aucun être humain n’a été maltraité durant ce tournage en amorce des génériques de films ?

Publié le 19/06/2024 / Catégorie: Carte blanche

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : réaction de fédérations/associations et collectifs de cinéma à l'enquête sur Joachim Lafosse parue dans Libération

Faudra-t-il bientôt mentionner qu’aucun être humain n’a été maltraité durant ce tournage en amorce des génériques de films ? 

Le mardi 11 juin 2024, le journal français Libération a publié un article intitulé “Joachim Lafosse : un système d’emprise derrière les caméras”.                                                  

Nous souhaitons ici réitérer notre soutien aux personnes qui ont eu le courage de témoigner et réaffirmer notre rejet de toutes formes d’abus et de violences au sein de cette industrie.

Nous ne pouvons pas faire comme s’il n’y avait pas de problème.  

Depuis plusieurs années, Elles Font Des Films, ainsi que d’autres fédérations professionnelles et associations, alertent et se sont rassemblées pour enrayer la violence systémique qui gangrène le paysage audiovisuel belge.

Des outils concrets existent : 

  • Des formations gratuites, pour lutter contre les Violences Sexistes et Sexuelles, à destination des producteur·ices et des professionnel·les du cinéma belge.
  • Des formations gratuites de référent·e anti-harcèlement, casquette essentielle au sein des équipes de tournages.
  • La promotion et le développement du métier de coordinateur·ice d’intimité.
  • Des capsules vidéo de sensibilisation aux problèmes de Violences Sexistes et Sexuelles dans le cinéma. 
  • Une étude chiffrée sur dix ans de films subsidiés par le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel, sur la représentation des femmes et des personnes minorisées, devant et derrière la caméra.
  • “Le Générique”, un répertoire mettant en avant les compétences des professionnel·les de notre secteur.
  • Un Guide : “Prévenir et Agir contre les Violences Sexistes et Sexuelles dans le secteur Audiovisuel” qui répertorie de nombreuses informations et conseils à l’usage des professionnel·les du secteur.

Tous ces outils sont disponibles et expliqués sur le site de Elles Font Des Films.

Mais le travail à développer ensemble est encore immense !

Nous demandons aux pouvoirs publics, aux institutions, de prendre la mesure de toutes les plaintes et témoignages qui sont livrés depuis plusieurs années. Sur le site de Paye Ton Tournage, plus de 500 témoignages ont été récoltés. Il est urgent de mettre au point une législation qui tienne compte des spécificités du secteur du cinéma (forte hiérarchie, contrats précaires et de courte durée…) pour que les comportements abusifs ne puissent plus avoir leur place dans notre industrie.  

Il est temps de sortir de ce système, dans lequel les rapports de domination ont trop longtemps été acceptés comme une norme, dès l'école de cinéma. 

Nous souhaitons pouvoir exercer nos métiers dans le respect et la reconnaissance des qualités de chacun·e. 

Voici une série de propositions concrètes autour desquelles les professionnel·les du secteur  et les étudiant·es peuvent se rassembler pour enjoindre le gouvernement à poser des actes forts : 

  • ENCOURAGER LA PAROLE des victimes et leur assurer un SOUTIEN sans faille grâce à la mise en place d’une cellule d’écoute et d’un numéro vert. Nous appelons aussi les producteur·ices et les chef·fes de poste, à redoubler de vigilance et d’écoute lorsqu’une personne vient se confier.
  • Rendre les formations pour lutter contre les Violences Sexistes et Sexuelles OBLIGATOIRES pour les producteur·ices et les réalisateur·ices, et mettre en place un CONDITIONNEMENT des aides publiques, qu’elles soient communautaires, régionales ou fédérales. Il faut également élargir ces formations aux autres types de violences.
  • Rendre les formations pour lutter contre les Violences Sexistes et Sexuelles obligatoires dans les ÉCOLES DE CINEMA, en les adaptant au public étudiant.
  • MULTIPLIER et FINANCER les workshops et autres formations qui visent à répandre les bonnes pratiques pour que chaque personne soit en mesure de réagir face à une situation problématique.
  • CRÉER UN CADRE JURIDIQUE pour protéger le rôle des référent·es anti-harcèlement pour qu’iels puissent l’exercer en toute sécurité.
  • Apporter un SOUTIEN FINANCIER STRUCTUREL aux fédérations professionnelles et ASBL sur le terrain comme Elles Font Des Films ou Paye Ton Tournage, qui œuvrent bénévolement et sont un lien indispensable entre le secteur et le politique. 
  • Créer des PONTS SOLIDES avec le réseau professionnel flamand, français et puis à l'échelle européenne, pour harmoniser nos bonnes pratiques.
  • CONTINUER À FINANCER l’étude chiffrée sur la représentation des femmes et personnes minorisées dans le cinéma belge francophone.

Par ailleurs, nous exigeons de remettre sur la table le projet des incitants financiers qui soutiennent les équipes paritaires, et demandons les actions suivantes : 

  • Mise en place d’une charte, à attacher à tous les contrats de travail), signée par chaque membre de l’équipe, mettant en garde contre le harcèlement et tout type de violences (sexisme, racisme, validisme, LGBTQIA+phobie, âgisme, classisme …).
  • L’affichage dans les documents de tournage du contact de la personne conseillère en prévention, externe à la société de production.
  • Lutte contre la précarisation du métier et des mesures concrètes contre le mal être au travail : des clauses standardisées dans les contrats de travail qui répondent aux lois travail et ne permettent plus une trop large interprétation salariale, d'horaires, de charges, etc.
  • La mise en place d’une fiche “bien être au travail” à remplir par les production lors d’un dépôt de dossier au Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel, relatant les mesures créées lors du tournage pour faciliter l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale (p. ex. mesures de soutien à la parentalité). 
  • La signature d’une charte “parité, diversité & inclusion” par les dirigeant·es de festivals, les distributeur·ices et diffuseur·euses, pour un engagement dans ce sens.
  • Le lancement de nouvelles études chiffrées telle que sur la distribution salariale genrée des équipes, pour mettre en lumière un manque d’inclusivité des femmes, des personnes minorisées, qui est aussi la cause de rapports de pouvoir basés sur un système patriarcal.

Nous, scénaristes, réalisateur·ices, producteur·ices, acteur·ices, technicien·nes, nous voulons travailler dans un système qui ne tolère pas des comportements sexistes, racistes, LGBTQIA+phobes, validistes, classistes, harcelants ou discriminatoires. 

Cela passe, nécessairement, par la création d’espaces sûrs de travail : sur les plateaux, devant et derrière la caméra, mais aussi dans les salles de cinéma.  

Si le secteur du cinéma se soulève aujourd’hui, il n’est bien sûr pas le seul à vouloir mettre fin à la glorification de comportements toxiques au nom de l'art !

Une multitude de fédérations, associations, collectifs de professionnel·les des arts se sont réunis autour de ce communiqué. 

Nous croyons en une culture vectrice de changements de société. Soyons à la hauteur de nos croyances. 


Liens utiles :  

Formations gratuites “Prévenir et agir contre contre les violences sexistes et sexuelles” : https://audiovisuel.cfwb.be/prevenir-et-agir-contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles/

Site internet de l’Asbl Elles Font Des Films :  https://ellesfontdesfilms.be/nl/ 

Lien vers le Guide “Prévenir et agir contre contre les violences sexistes et sexuelles” : https://ellesfontdesfilms.be/ressources/le-guide-belge-elles-font-des-films-et-paye-ton-tournage/

Lien vers “Le Générique” https://ellesfontdesfilms.be/ressources/le-generique/

Lien vers l’étude chiffrée, “Devant et derrière la caméra, elles font des films” : https://ellesfontdesfilms.be/ressources/655/

Lien vers le compte Instagram “Paye ton tournage” https://www.instagram.com/payetontournage/

 

Tribune rédigée à l’initiative d’Elles Font Des Films (EFDF), de l’Association des Réalisatrices et Réalisateurs Francophones (ARRF) & de l’Association des Scénaristes de l'Audiovisuel (ASA) à laquelle ont souhaité s’associer les principales associations professionnelles du secteur : 
Paye Ton Tournage, Elles tournent, Le LAB Femmes de Cinéma, Centre de l’Audiovisuel à Bruxelles (CBA), Atelier Graphoui, Dérives, Centre Vidéo Bruxelles (CVB), Union Des Artistes Du Spectacle, Hors Champ, Artists United vzw, Union de la Presse Cinématographique Belge (UPCB), Association Belge Regroupant les Auteur·ice·s et Créateur·ice·s d'Animation (ABRACA). 

Cosignataires du secteur des arts : 

Auteurices de la Bande dessinée et de l’Illustration (ABDIL), Aires Libres, FACE B via le projet ‘technicienne’.

 

Cinergie soutient cette initiative