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"Fils de", la série

Publié le 06/05/2022 par David Hainaut et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Tournage

Fils de, une série au parfum de western urbain

Après le récent succès de Pandore, la RTBF mise à présent sur Fils de (8 X 52 minutes), la dernière série née du Fonds que la chaîne a mis en place avec la Fédération Wallonie-Bruxelles. Un projet atypique dans le paysage belge francophone, décrivant Bruxelles comme une "jungle hostile" et évoquant des gangsters en quête d'un héritage.

Et à défaut d'avoir pu nous rendre sur un tournage qui s'est déroulé pendant le covid, nous avons rejoint l'équipe dans le centre de la capitale lors d'une après-midi dédiée à la presse. Plus exactement à l'ancien siège Dexia, dont l'aspect désaffecté se mariait bien à l'esprit visuel de la série, réalisée par Frank Devos, remarqué en 2019 par la série flamande Undercover.

Quatre ans et demi. C'est le temps de travail qui aura été nécessaire au trio de créateurs et amis – Antoine Négrevergne, Camille Pistone et Salim Talbi – pour faire aboutir la série dont ils rêvaient. En l'absence du troisième cité, pris par une tournée théâtrale en Amérique, les deux premiers reviennent sur les prémisses de ce projet : "C'est simple. En se fréquentant sur les planches belges et au Conservatoire Royal de Bruxelles, on a tous les trois accroché, en s'apercevant qu'on voulait raconter les mêmes histoires, mais aussi les faire naître et vivre à la télé belge francophone. Comme on a grandi en voyant des séries comme The Wire ou Top Boy, et que rien n'avait encore été fait sur le milieu des gangsters à Bruxelles, on voulait s'y mettre. Il a "juste" fallu nous former sur le plus dur : écrire !" Et quand on leur demande si Fils de n'a pas des allures de petit cousin du film Black d'Adil El Arbi et Bilall Farah, sorti en 2015, ils rétorquent : "C'est peut-être vrai pour l'esprit visuel où ils ont été des pionniers, mais eux ont adapté un Roméo et Juliette contemporain. Nous, nos références et notre histoire diffèrent, d'autant qu'il s'agit d'une série. On voulait surtout raconter un Bruxelles actuel, avec des strates sociales et des valeurs qu'on n'a pas l'habitude de voir. La capitale est même un personnage à part entière." Quant aux premiers retours ? "On en a déjà eu de bons, et de personnes qui ont regardé jusqu'au bout, ce qui est déjà quelque chose en série", disent-ils. Et outre des trois autodidactes cités (Négrevergne étant le directeur de la série, soit le "showrunner"), la série a bénéficié de l'aide de trois autres auteurs, Simon Bertrand, Gaëtan Delferière et Boris Tilquin. 

Inspirée de faits réels

En résumé, Fils de raconte le destin de Franck, de retour à Bruxelles après une cavale de 17 ans, suite à un "casse du siècle". Un héritage se trouvant en jeu et suscitant bien des convoitises. Autour du gangster, on croise enfants qui vivent de trafics, ex-femmes, autres bandits, hommes d'affaires et autres mafieux qui rythment cette épopée urbaine s'inspirant de faits réels ! "Pour ça, on ne peut pas trop citer nos sources", admettent avec sourire Négrevergne et Pistone. "Mais on peut dire qu'on a passé énormément de temps avec des avocats et des détenus. Ce n'est pas un récit autobiographique, mais ce n'est pas un hasard total si certains acteurs ont gardé leurs vrais prénoms. Disons qu'on a un peu romancé tout ça..." Et pour interpréter Franck, c'est un comédien débutant d'à présent 61 ans qui a été sollicité, Serge Van Laeken, plus connu sous son nom de chanteur Marka. Celui-ci détaille : "Quand ils m'ont appelé, je leur ai dit qu'ils se trompaient. Mais vu leur insistance, le fait qu'on m'ait dit mille fois de faire du cinéma dans ma vie et que ma famille m'a convaincu, j'y suis allé à fond. J'ai donc fait des séances de coaching, pensé à des acteurs que j'apprécie comme Jean-Pierre Bacri ou Cillian Murphy, mais ne me demandez pas pourquoi. Au final, je suis content du résultat, surtout que j'ai donné ce que j'avais de mieux", confie l'artiste qui, plus tôt cette année, signait la musique de La Dernière Tentation des Belges, le dernier film de Jan Bucquoy. 

Béatrice Dalle, la surprise d'un casting choral

L'an dernier, au moment de sa préparation, la série avait un peu fait parler d'elle dans quelques médias, Béatrice Dalle ayant elle-même annoncé sa présence au casting. Immortalisée par son rôle dans 37°2 le Matin en 1986, la comédienne, qui a visiblement subjugué tous ses comparses belges, fait en effet partie des rôles majeurs de cette série chorale. Comme d'ailleurs, les précités Camille Pistone, Salim Talbi et Marka, ainsi que Tibo Vandenborre, Sam Louwyck, N'Landu Lubansu, Bwanga Pilipili, Isha (un autre néophyte) ou Mara Taquin. L'occasion de demander à cette dernière, espoir du cinéma belge et assez impliquée dans le féminisme, ce qu'elle songe de cette série particulièrement ...virile. "Si on observe bien les rôles des femmes ici, chacun est maître de son caractère et de son futur. Les hommes ne décident en rien de leurs destins. Bon, elles sont parfois là en guise de soutien aux mecs, mais ce ne sont là que les dommages collatéraux à notre long héritage patriarcal (sourire). Récemment vue dans Rien à foutre et venant de jouer la fille d'Isabelle Huppert dans La Syndicaliste, le dernier film de Jean-Pierre Salomé, la Bruxelloise, pour l'heure très demandée, attend aussi avec impatience la sortie en juin de La Ruche et tournera d'ici la saison 3 d'Ennemi Public. "Pour Fils de, j'ai d'emblée été prise d'affection par le scénario. Faire partie d'une série d'action, ça n'arrive quand même pas tous les jours ! J'aime le côté physique et l'adrénaline qui y règnent. Il y a des flingues, des bagnoles. C'est parfait !" 

Un potentiel pour l'étranger ?

Innover et sortir un peu des sentiers battus, tels étaient les objectifs de la production, AT-Prod en l'occurrence, l'une des boîtes belges les plus expérimentées. Arnauld de Battice justifie son implication dans l'aventure. "Que nous n'avions pas du tout prévu ! En fait, dès le début, j'ai eu un coup de cœur. Voir arriver dans mon bureau des auteurs si jeunes et talentueux, si fougueux et enthousiastes, tant passionnés par leur projet alors qu'ils avaient encore peu d'expérience, ça m'a touché. Fils de a pour moi une saveur particulière, avec un résultat probant et fort en termes d'originalité et de construction." Avec des enjeux importants à son niveau ? "Ils le sont, oui, car même si on produit d'autres choses parfois très spécifiques, je tiens à garder un réflexe grand public. Certes, vous connaissez comme moi la fragilité des conditions de financement des séries belges, qui ne sont pas celles de grands pays, mais on fait avec. Cela dit, quand on a commencé à écrire, on a vite été sélectionné pour le Festival Série Mania, où on a pu pitcher la série. Et dans la foulée, nos deux premiers rendez-vous ont été avec ... Amazon et Netflix ! Car forcément, cette série a sa place sur les plateformes." Des plateformes qu'AT a su apprivoiser fin 2020 avec Soupçons, cette série documentaire qui a connu un succès important sur RTL-TVi, en évoquant L'Affaire Wesphael. "Cela nous a ouvert énormément de portes avec Netflix. Et avec ce genre d'organes, une fois qu'une porte s'ouvre, toutes les autres suivent. On a donc plusieurs projets en cours de développement avec eux." 

Une deuxième saison déjà en route

Initialement prévue comme une série courte, Fils de s'est donc muée au final en une série à part entière. En plus du Fonds Séries, d'AT-Prod et de Proximus, elle est coproduite par Casa Kafka Pictures (Tax-Shelter), le Film Fund Luxembourg, Screen Brussels et Screen Flanders. La musique (hip-hop, rap...) jouant un rôle important en rendant hommage à la scène belge, un partenariat a subtilement été noué avec TopNotch, la filiale néerlandaise d'Universal. Filmée surtout à Bruxelles mais aussi à Anvers, cette série à tonalité hollywoodienne vise notamment un public jeune, raison pour laquelle la RTBF l'a placée sur Auvio (27 avril) puis Tipik (le 15 mai), son deuxième canal. Et une seconde saison est déjà en cours d'écriture...

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