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L’Heure bleue de Michaël Bier et Alice De Vestele

Publié le 09/11/2010 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

D'un mal à l'autre

Déjà Grand Prix du Jury cette année au Festival Le court en dit long à Paris, et primé deux fois au Festival du court métrage à Bruxelles, L’Heure bleue a été sélectionné au Festival du Film Indépendant. Le film de Michaël Bier et Alice De Vestele prend le chemin sensible d’un portrait de femme fragile.

L’Heure bleue de Michaël Bier et Alice De Vestele

L’heure bleue, c’est ce moment magique entre le jour et la nuit, celui où les oiseaux nocturnes s’éveillent pendant que les autres commencent à faire silence. Eloïse, oiseau de nuit, suit les beat de la musique techno, les éclairs des stroboscopes de la piste de danse, balançant son corps de gauche à droite comme si elle cherchait à l’apaiser. Au petit matin, elle part sur la route et rend visite à ses patients, effectuant pour eux les gestes qui soulagent de la douleur. Entre ces deux mondes auxquels elle appartient, il y a le garage de celui qui voudrait être plus qu’un ami, qui tendrement pose les yeux sur celle qui, sans cesse, se dérobe… Insaisissable. La caméra de Michaël Bier et Alice De Vestele suit, sans bavardage, le quotidien de cette infirmière en soin palliatif à domicile entre ses jours et ses nuits. Le réel y est montré sans détour, déliquescence, vieillesse, infirmité font partie de la quotidienneté avec laquelle il faut bien faire.

Dans des tonalités glacées et bleues, Cathy Grosjean offre une profondeur bouleversante à son personnage, dans une retenue exemplaire où pourtant tous les sentiments passent. Dans ce monde de souffrance et de mort qu’elle doit affronter jour après jour, elle cherche un réconfort précaire auprès de rencontres passagères nocturnes. S’abîmant chaque jour un peu plus dans la perte des autres, chaque nuit un peu plus dans la perte d’elle-même.
Sans être d’une inventivité scénaristique exceptionnelle, L’Heure bleue touche au cœur d’une part par la présence charismatique de sa comédienne principale, d’autre part par une écriture visuelle tout à fait remarquable. Sans effets superfétatoires, le film suit une ligne narrative dans laquelle les détails se répondent et jouent de manière juste, comme cet infirmier mimant la façon dont il vole dans ses rêves, suivie de près par l'image des éclairages urbains, grandes ailes vers le ciel, qui semblent accompagner Eloïse sur sa route. Mais Eloïse, elle, ne vole pas dans ses rêves, car elle n'a plus de rêves depuis longtemps, et tel un grand oiseau solitaire, elle poursuit sa route, déjà absente du monde.

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