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Le petit bonhomme vert de Roland Lethem

Publié le 01/10/2013 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Honni soit qui a mal où je pense !

Roland Lethem a écrit quelques-unes des pages les plus sulfureuses - les plus roboratives aussi - de l’histoire du cinéma belge, à l’époque où celui-ci adorait remettre en cause, frontalement ou non, les conventions sociales. Chez Roland Lethem, c’était plutôt frontal.

Le Petit Bonhomme vert de Roland Lethem Par goût de la provocation et envie de déranger sans doute, mais aussi parce que cela le démange d’interroger nos certitudes. Cela l’intéresse moins de choquer le moraliste rigide que d’interroger la tolérance des gens qui se disent ouverts. Vous vous croyez indulgents en matière de morale sexuelle, partisan de l’égalité des sexes, prêts à remettre en cause les rôles sociaux, mais où sont vos limites ? Car vous en avez bien sûr. Voyons voir... Certes, la radicalité avec laquelle il menait cette démarche dans les années 60 et 70 s’est atténuée aujourd’hui. Roland Lethem s’est fait plus rare, quelque peu en froid qu’il est avec un système de financement pour qui, le cinéma, c’est de plus en plus comme tout le reste : du business. Mais il est toujours là, avec la même envie potache de tirer sur la ficelle pour voir par où elle va craquer, et encore cette lueur malicieuse au fond de ses yeux pétillants.

Grâce à la complicité du producteur Patrice Bauduinet, il nous revient aujourd’hui avec ce Petit bonhomme vert qui est à l’horticulture ce que son précédent opus, Gourmandises était à la gastronomie : un détournement gonflé d’un sujet apparemment bien innocent.

Une jolie dame se promène dans une jardinerie, un matin de printemps. Elle y admire particulièrement les cactus : les caresse, passe ses doigts sur leurs aiguilles, et s’amuse des sons de kalimba produits… Soudain, son attention est attirée par un parterre au milieu duquel trône une superbe cactée érigée comme un phallus. À peine s’est-elle penchée pour la caresser, qu’une voix retentit, venue de nulle part : « Fais-moi un petit bonhomme vert ». La dame a beau regarder autour d’elle, personne. C’est bien le jardin qui a parlé, et le cactus qui est son instrument. Et c’est qu’il a des intentions bien arrêtées ce coquin barbelé ! Avec une drague particulièrement explicite. Mais le cactus s’exprime-t-il vraiment ou tout est-il dans la tête de la dame ?

Avec cette métaphore de la séduction amoureuse en forme d’espièglerie piquante, Roland Lethem nous parle de sexe, des fantasmes et de leur place dans les jeux de l’amour. Il explore le dialogue amoureux, ses envies explicites et ses faux-semblants et, comme à son habitude, va chercher les gens la où cela les gratte (si l’on ose dire) pour les confronter à certains de leurs tabous. Mais tout cela n’est qu’un jeu, bien sûr ou, comme le dirait Souchon, « une drôle de facétie ».

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