Etre là ou l’intranquillité du volcan
J’ai longtemps pensé qu’un des gestes fondateurs du documentaire tenait dans cet aller-retour entre un ici ordinaire et un là-bas inconnu. Partir, aller se confronter à un ailleurs par essence étranger, un quelque part du monde comme dirait un ami, et puis par la magie du cinéma revenir le donner à vivre dans toute sa singularité, tel était l’enjeu qu’une telle démarche supposait.
Aujourd’hui, il me semble qu’une dimension essentielle fait défaut dans cette trop simple approche. Bien sûr, le voyage fait et défait ce que nous sommes. Il est un lieu à part entière mais la durée de notre présence et l’attention, voire l’attachement qu’elle suscite, pose la question de l’importance d’être là.
Etre là, c’est pouvoir quitter le regard surplombant d’informateur ou d’expert et devenir partie prenante de la rencontre au risque d’y laisser quelques vérités. C’est faire confiance à ce mouvement d’immersion qui fragmentant notre extériorité, est déjà apprivoisement de l’autre et de soi. C’est accueillir ce temps long et qui ne se satisfait plus des seuls mots, des seules images d’un sujet à traiter. Enfin, c’est pouvoir s’abandonner à cette métamorphose de nous-mêmes qui, ignorant la sécurité des identités, nous stimule tout en nous transformant irrémédiablement.
Les Minuscules, le nouveau film de Khristine Gillard est de cet « être là », de ce cinéma-là. Pleinement.
Projections au cinéma Nova les 30 janvier et 10 février 2022.