Les Petites Mains de Rémi Allier

Ouvrier dans une usine dont la fermeture vient d'être annoncée, Bruno prend l'initiative d'enlever le fils du directeur afin de contraindre ce dernier à négocier. Quand le travailleur décide de kidnapper l’enfant, il n’escompte pas sa propre réaction face au gamin.
D’abord hostile, insensible, il va finir par s’attendrir et retourne à son lieu de travail avec le petit garçon. Les images du bambin au début du court métrage dressent un portrait saisissant du précipice qui sépare la vie enfantine faite de distraction et de joie innocente et la vie d’adulte impitoyable, belliqueuse, par essence, rude. Bruno enlève l’enfant, le déroute et le fait pleurer à chaudes larmes. Le bambin offre un havre d’empathie et de tendresse dans le cœur du vieil homme. Où peut bien disparaître cette affectivité, cette sentimentalité dans l’univers des adultes?
Le monde du travail traite le travailleur comme une marchandise; d’après cette philosophie capitaliste si austère, certaines vies humaines valent plus que d’autres. Les parents du bébé sont malades d’inquiétude quand il est question de son bien-être, mais le père en question ne daigne pas accorder d’importance au sort de ses employés.
Comme à l’accoutumée, les forces de l’ordre s’en mêlent pour garantir les intérêts du patronat. L’hypocrisie des émotions et des affects humains se voit comme le nez au milieu de la figure et les luttes sociales ont valeur d’exemple probant de cette absence de compassion dans notre monde productiviste, exempt de partage égalitaire. Si l’ouvrier lésé peut témoigner d’une profonde affection à l’égard du bébé, pourquoi la société dans son ensemble ne pourrait agir de la sorte?