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Mandibules de Quentin Dupieux

Publié le 07/06/2021 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Les Dents de la Mouche 

 

Manu (Grégoire Ludig), un simple d’esprit qui dort sur la plage dans un sac de couchage, se voit proposer par un ami louche un job de la plus haute importance : il est chargé de récupérer une mallette et d’aller la livrer chez un mystérieux commanditaire. Pour sa peine, Manu touchera la somme phénoménale de… 500 euros ! Seulement voilà, Manu est à la rue et n’a pas de voiture. Il en vole donc une au hasard et embarque avec lui son pote de toujours, Jean-Gab (David Marsais), avec qui, grand prince, il compte bien partager sa fortune. Sur la route, les compères entendent un bruit étrange venant du coffre. Avec stupeur, ils découvrent à l’arrière du véhicule une énorme mouche, de la taille d’un labrador. Pour les deux amis, la découverte de l’insecte, qu’ils prénomment Dominique, représente une chance inespérée de sortir de la mouise. Aussitôt, ils abandonnent leur mission et décident de dresser la mouche « comme un singe », afin de lui apprendre à dévaliser des banques. Un plan imparable !...

Mandibules de Quentin Dupieux

Les films de Quentin Dupieux se suivent et leur qualité varie selon le degré d’inspiration du cinéaste. Après avoir enchaîné trois franches réussites, Réalité (2014), Au Poste ! (2018) et Le Daim (2019), c’est un Dupieux en mode mineur que l’on retrouve cette fois-ci. Bien que fidèle à son univers et à son humour nonsensiques, le réalisateur, qui a emballé le projet en quelques semaines à peine (et qui a déjà terminé le suivant, intitulé Incroyable mais vrai), livre un film qui semble avoir été improvisé au gré de l’humeur du jour, développant sur 1h17 une idée qui aurait pu donner un excellent court-métrage. Si Mandibules, outre le plaisir régressif de découvrir une œuvre si joyeusement idiote, ne dépasse jamais vraiment le niveau de la blague potache, sans cette émotion qui était présente, par exemple, dans Le Daim, le neuvième film du réalisateur iconoclaste n’en est pas moins un Dupieux pur jus, parenthèse rapide dans la filmographie du réalisateur où ce dernier laisse ses deux têtes d’affiche, Dumb & Dumber franchouillards venus du Palmashow, cabotiner à souhait, en totale roue libre. Dupieux se revendique souvent de l’héritage de Luis Buñuel et de Bertrand Blier, grands cinéastes de l’absurde, et ses meilleurs films lui donnent raison. Ici, on pense davantage aux nanars tropéziens de Max Pécas et de Philippe Clair ! Et c’est dans cette comparaison que Mandibules s’avère particulièrement réjouissant.

 

Tant que le film, en mode road movie sur les routes désertes du sud de la France, s’intéresse à ces deux andouilles et à leur délire de dresser la mouche - une création mi-animatronique, mi-numérique conçue par les génies de l’Atelier 69 -, on rit de bon cœur face à la loufoquerie généralisée et aux raisonnements idiots du duo. Au passage, on admirera le score du groupe Metronomy qui rend un bel hommage au génie musical de Vladimir Cosma...

 

Ensuite, les deux balourds sont invités à passer des vacances improvisées dans la maison d’une jeune femme (India Hair) qui croit avoir reconnu en Manu un ami d’enfance, et doivent empêcher le diptère de venir montrer son museau. Mandibules prend alors l’apparence d’un long sketch, où le réalisateur ne semble pas toujours savoir où il va, même si la scène où la grosse mouche rencontre un petit chien vaut son pesant de cacahuètes !

 

La faute de goût (entièrement revendiquée) de la prestation excessive d’Adèle Exarchopoulos, qui incarne une jeune femme devenue handicapée mentale après avoir subi un choc au cerveau lors d’un accident de ski, et qui hurle brutalement toutes ses répliques d’un ton angoissé, risque de diviser mais ne gâche pas la fête. Car dans sa tendre représentation de deux marginaux à la complicité inébranlable et dans leur détermination à mener leur projet à bien, avec ses images loufoques de cette drôle de créature poilue, ce Mandibules qui ne vole pas bien haut fait néanmoins parfois… mouche !

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