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Marotte, un projet mené par Maxime Jennes et Léa Le Fell

Publié le 24/01/2025 par Gauthier Godfirnon et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Pendant deux ans, Maxime Jennes, réalisateur, et Léa Le Fell, comédienne de formation, ont développé le projet Marotte. Pour ce faire, iels ont organisé des ateliers de théâtre avec les résidents de la maison de repos et de soin Albert De Latour. Ensemble, iels ont élaboré un scénario de film s’inspirant directement de leur réalité. Iels ont pu ainsi vivre l’expérience de se transformer en acteurs de leur propre quotidien.

Cinergie : Pourquoi et comment avez-vous choisi cette maison de repos et de soin ?

Léa Le Fell : On a choisi cette maison de repos qui dépend du CPAS de Schaerbeek. J’ai bénéficié d’une bourse pour donner des ateliers de théâtre. Elle m’a été attribuée par la compagnie de théâtre Le Boréal. Généralement, on organise plutôt des ateliers de théâtre amateur, au théâtre Océan Nord à Schaerbeek. La genèse du projet est née juste après le COVID, j’avais alors envie d’offrir ces ateliers à des personnes âgées qui ont été éloignées de toute vie pendant un certain temps. J’ai envoyé plusieurs mails à plusieurs maisons de repos à Schaerbeek. C’est la première qui m’a répondu.

 

C. : Comment avez-vous trouvé des fonds pour le film ?

L.L.F. : Nous avons reçu la bourse à proprement parler pour les ateliers, pendant trois ans. Nous avons par la suite pu bénéficier de la bourse Un Futur pour la Culture de la fédération Wallonie-Bruxelles. Et nous avons aussi mis un peu de sous de notre poche.

Maxime Jennes : Le CPAS de Schaerbeek nous a aussi un tout petit peu aidés. L’ergothérapeute avec qui on a travaillé nous a aussi aidés à démarcher les bonnes personnes pour trouver quelques fonds supplémentaires.

 

C. : Les personnes âgées dans le centre avaient-ils déjà joué la comédie auparavant ?

L. L. F. : Quand j’ai commencé à donner ces ateliers de théâtre, certains avaient déjà fait un peu de théâtre dans leur vie, d’autres pas du tout. Aucune condition d’admission n’était requise pour y participer, mais en fait, très vite, au bout d’un an et demi, je suis passée d’un groupe de 30 personnes à un groupe de 10, 12 personnes. J’avais promis un spectacle de théâtre à la fin de l’année, mais vu tous les handicaps et les troubles de mémoire, je me suis dit que ça s’avérerait compliqué. Du coup, j’ai demandé à Maxime s’il voulait rejoindre l’aventure et faire un mini court-métrage. On a filmé des petites saynètes, puis on a formé un groupe et c’était vraiment six personnes hyper motivées dont Leying Mabunga, un des personnages principaux du film. Iels ont lancé l'idée qu'ils braqueraient la camionnette du home et partiraient à la mer du Nord. Le scénario est ainsi né. La bande ne savait pas jouer. Marc, c’est un ancien paracommando, Georges, c’était un juge, Adrianna elle travaillait dans un supermarché, Rita elle était secrétaire.

 

C. : Comment ont-iels trouvé cette idée de film ? Comment l’écriture du projet s’est-elle passée? Ont-iels participé à d’autres aspects du projet ?

L.L.F : De manière générale, on a vraiment essayé d'écrire et de monter l'ensemble avec iels. On leur a montré des versions montées pour avoir leur retour. 
Depuis le COVID, leur excursion annuelle à la mer est annulée, pour faire des économies. L’administration de la maison s’était dit que cela ne changeait pas grand-chose pour eux. Mais, ce n'est pas le cas. L'idée est venue d'une réalité de leur part. En ce qui concerne l'écriture, on a essayé d'écrire ensemble une trame. On a même proposé des dialogues, mais en fait, on sentait qu'on apposait une idée et que ça n'allait pas. On a fait énormément d'improvisations avec eux. Et le tournage a fonctionné de la sorte. Cela explique la caméra à l'épaule et le côté docu-fiction.

 

C. : Quelles étaient les exigences en termes de diffusion ?

M.J. : Les exigences principales par rapport à la diffusion, c'était évidemment qu'il soit vu dans cette maison de repos, mais aussi dans d'autres. On désirait vraiment faire une sorte de tournée des maisons de repos avec le film et une version sous forme de ciné-concert, avec une partie des musiciens ayant composé la musique du film qui pourraient venir jouer pendant la projection. On voulait que ça puisse découler sur un petit concert et une discussion par rapport à la thématique du film. Nous voulons proposer des ateliers de cinéma, on est hyper ouverts.

 

C. : Une suite au projet est-elle prévue ?

L.L.F : L'idée, c'est de prolonger cette aventure. Le processus de départ était assez naïf : on voulait faire des spectacles, du cinéma ensemble, avec notre cœur d'enfant. Je pense que ça se ressent dans le film, sans grande prétention. On voudrait faire un long métrage et on aimerait juste agrandir les ateliers. Je me suis concentrée sur une maison de repos, mais l'idée c'est de pouvoir vraiment avoir plein de partenariats avec toutes les maisons de repos qui ont envie et qui sont accompagnées par des théâtres. Comme ça, il est possible d’étaler le processus et le visibiliser. Pendant un an, on ferait des ateliers d'écriture, d'improvisation, puis on organiserait une lecture publique, jouerait avec les musiciens en live, en présentant tout le travail de l’année puis à la suite de ça, on commencerait le tournage, etc.

M.J. : L'idée, c'est de vraiment garder cette démarche très humaine et documentaire, mais de l'adapter à un long-métrage. Ça va être un petit défi de se dire qu'on garde cette démarche à cette échelle-là, humainement, qu'on reste proches de ces personnes et qu'on les inclut à fond dans le processus. Un long-métrage, c’est quand même une sorte de grosse machine à mettre en place. 

L.L.F. : On n'a pas de scénario. On pourrait transformer le court en long, mais on a envie d'être dans une démarche de rencontre et de voir ce qu’iels ont toustes envie de raconter.

 

C. : Pourquoi avoir décidé de mélanger musique et cinéma dans le cadre de cette projection au théâtre 140 ?

L.L.F : La musique, c'est hyper important pour eux. Je me souviens qu’à chaque moment d’angoisse, j'ai fait appel à la musique dans les ateliers, que ce soit le chant, le karaoké, etc. Même les ergothérapeutes m'ont dit qu'il faut retourner à la musique. Voilà pourquoi, dans le film, la musique joue un rôle très important, c'est un personnage à part entière. On a travaillé avec Michel Massot qui est le compositeur de la musique et aussi le chef d'orchestre de Babelouze (l’orchestre de l’événement). Grâce au live, il y avait une continuité et on pouvait ensuite inviter la fanfare.   

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