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Meisje de Dorothée van den Berghe

Publié le 01/10/2003 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD

Madame Edouard de Nadine Monfils

 

Les éditions Boomerang nous gâtent en cette rentrée 2003. Non seulement ils diffusent la trilogie de Lucas Belvaux (1, 2, 3 ou Un couple épatant, Cavale, Après la vie - avec ou sans virgule, si vous préférez - trois films qui peuvent n'en former qu'un ou se démultiplier et sur lesquels nous reviendrons longuement le mois prochain) mais aussi Meisje de Dorothée van den Berghe.
Ce mois-ci nous avons choisi de vous proposer le long métrage de Dorothée van den Berghe qui, l'an dernier, au Festival International de Locarno fit l'évènement et obtint le premier Prix du jury des jeunes et le Prix CICAE/Arte. Ce qui ne faisait que confirmer tout le bien que l'on pensait de BXL-Minuit, le film précédent de Dorothée van den Berghe qui était aussi son troisième court métrage.

 

Le film

L'originalité de Meisje n'est pas seulement d'être une sorte d'arrêt sur image sur un moment clé de l'existence de trois femmes mais surtout d'être un regard féminin sur leurs relations. La réalisatrice use avec bonheur du non-dit, filme la réalité des corps, leur intimité la plus singulière avec tendresse et réalisme pour nous conter les désarrois et les bonheurs de Muriel, Laura et Martha, trois femmes de générations différentes. Muriel a vingt ans, en paraît moins et veut se défaire, à tout prix, des habits d'adolescente provinciale qu'elle représente pour son entourage familial et social. Elle rompt avec la vie étriquée qu'elle a menée jusque-là pour débarquer à Bruxelles, y habiter et y travailler. Obtenir son indépendance et devenir femme tel est le but que poursuit la jeune fille. Ce qu'a parfaitement compris son père qui l'explique à Martha, sa mère : « Elle a sa propre vie et nous la nôtre ». Parole prophétique puisque Martha le prenant au mot s'offre, dans d'autres bras, un plaisir qu'elle s'était refusée jusqu'alors. Quant à Laura, la logeuse bruxelloise de Muriel, la trentaine épanouie, elle mène une vie amoureuse chaotique entre ses amants, le désir d'avoir un enfant, la volonté de chanter et une mère qui en est au stade terminal d'un cancer. Trois destinées qui représentent trois générations différentes qui se croisent, vous nous direz qu'on est dans une comédie de moeurs ? Et bien non. Pas du tout.
Dorothée van den Berghe porte un regard précieux parce que sans complaisance ni cruauté sur les rapports mère-fille, essentiels dans la formation de la personnalité d'une fille et que la réalisatrice illustre dans une scène où mère et fille se retrouve dans le même lit - au gré de circonstances que nous vous laissons découvrir. Des propos essentiels s'échangent, la transmission entre génération s'opère. C'est l'un des beaux moments du film.

 

Quant aux hommes, outre Alain et ses deux enfants, nous retiendrons l'imprévisible Oskar avec sa révolte inévitable contre un père colérique d'où un parcours erratique et dépendant sinon captif de cet amour/haine. Une femme a le pouvoir de les séparer, de les distinguer l'un de l'autre, de faire d'Oskar un père. Laura ou Muriel ? Née en 1968 - date symbolique s'il en est - la réalisatrice ne traite pas ce sujet par hasard. Dans le dossier de presse de son film elle expliquait pourquoi la relation parents-enfants la fascinait : « Peut-être que cela a quelque chose à voir avec ma propre histoire. Je viens d'une famille complètement hippie et suis fascinée par les « véritables » familles, parce que je n'ai jamais connu cela. J'ai été élevée dans une communauté, à Amsterdam et je n'avais jamais entendu parler de gens qui restent ensemble toute leur vie. C'est seulement quand je suis arrivée en Belgique que j'ai découvert qu'il existait aussi des gens qui étaient mariés depuis des années et qui élevaient des enfants ensemble ! Auparavant, j'étais dans une école où tous les enfants étaient des enfants de parents divorcés ou séparés. J'ai commencé à me demander ce qu'une structure parentale tellement différente pouvait avoir comme impact sur votre propre vie ».

 

Bonus

BXL-Minuit, le troisième court-métrage de la réalisatrice que nous avons revu avec bonheur. Notamment cet étonnant raccord où Barbara (Natali Broods) passe du rire aux larmes. Nous persistons, à propos de ce film, à citer Lacan : « la pulsion libidinale est centrée sur la fonction de l'imaginaire ».

 

Galerie photos

Vidéo-clip (traduisez : bande annonce. N'oubliez pas que la réalisatrice aime pointer les travers de la communication !)
Biographies de Dorothée van den Berghe, Charlotte Van den Eynde, Els Dottermans, Frieda Pittors, Matthias Schoenaerts, Wim Opbrouck.

 

Questions de Cinergie et réponses de Dorothée van den Berghe sur la parution du DVD

Cinergie : Pensez-vous que l'édition en DVD de votre film lui offre une seconde vie après sa sortie en salles ?
Dorothée van den Berghe : Je pense que la sortie du film en DVD donnera une seconde vie au film. Il y a beaucoup de gens qui m'ont demandé la date de sortie du DVD pour pouvoir voir le film. Au moment de la sortie du film en salles ils n'étaient pas là, n'avaient pas le temps ou le film ne sortait pas dans leur ville. Il y a tant de raisons pour rater un film qu'on voulait voir. Le film a bien marché dans les salles mais je pense que les gens voient beaucoup de films en DVD. En tout cas, moi j'aime le faire et suis ravie que les gens puissent le découvrir sur ce support.

 

C : Pensez-vous atteindre, avec ce support, un public différent de celui qui fréquente les salles ?
D.V.B : Je pense qu'il y de plus en plus un public qui découvre les films en DVD. Je connais des gens qui achètent des DVD comme des livres et qui préfèrent voir un film en toute tranquillité a la maison. Pour des cinéastes qui ne sont pas encore très connus (comme moi) le DVD aide à les découvrir. Les gens vont plutôt au cinéma pour regarder des films de cinéastes connus. En DVD ils aiment plutôt découvrir des films qu'ils ne connaissent pas.

 

C : Que pensez-vous du découpage en chapitres. Y avez-vous participé ?
D.V.B : J'ai participé au découpage des chapîtres. J'ai découpé Meisje en huit chapitres comme pour le scénario. Les chapitres peuvent aider à trouver rapidement une partie du film qu'on veut voir ou qu'on veut revoir.

 

C : Le bonus permet d'offrir au spectateur le contexte dans lequel le film s'est fait. Etes-vous pour la diffusion d'un making off, d'entretiens avec les réalisateurs ou acteurs. Ce qui permet de revenir au film après-coup?
D.V.B : Nous on a choisi de ne pas ajouter des interviews sur le DVD. Je pense que le film n'a pas besoin de trop d'explications. Je trouvais plus intéressant d'y ajouter comme bonus un court métrage comme BXL Minuit que j'ai fait avant et le clip de DAAN (le compositeur du film). BXL Minuit était une sorte d'étude préalable à Meisje. Daan a fait un clip avec une chanson spécifique qu'il a composé pour le film. Meisje

 

C :  Le bonus permet d'insérer des scènes inédites, coupées au montage. Cela vous parait-il intéressant ?
D.V.B : Les bonus m'intéressent en tant que cinéaste. Mais le film m'intéresse davantage. J'aime bien les DVD simple. Le film bien mastérisé accompagné d'une interview avec le réalisateur. Les scènes qui ne sont pas dans le film ne m'intéressent pas beaucoup. Si le cinéaste n'a pas voulu les mettre dans son film c'est pour des raisons bien précises. Ce qui prime, c'est la version du cinéaste.

Meisje de Dorothée Van den Berghe, éd. Boomerang, recommandé par cinergie.be

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