Mon coeur en arrière de Sarah Gouret

Dès la première image, on aborde une jeune dame qui se déhanche, trépigne, se débat, semble s'étourdir sur une musique digne d'une rave party. L'ambiance prend un peu à la gorge. On dirait une mise en état mental avant un combat. Elle s'arrête, assoiffée, prend une bière, mauvaise, donne un coup de fil dans le vide, en prend une autre, la boit, elle s'arrête un instant, on sent qu'une décision est prise. L'échauffement précédent, le travail dans sa tête, l'agressivité du rythme l'ont motivée. C'est le jour J ! Combien de temps l'a-t-elle attendu ? Combien de fois s'en est-elle rapprochée en vain ? Comment a-t-elle fait les autres fois pour se diriger vers l'école où travaille son père ? Mais c'est le jour J, celui du dernier essai parce qu'il sera concret cette fois. Coûte que coûte. Après un inspir profond, l'aborder. Lui dire ainsi : « Je suis votre fille ». Sans un mot de plus. « Je suis VOTRE fille ». Celle dont il n'a pas connaissance, celle qui tombe du ciel sans crier gare, celle dont il ignore tout jusqu'au prénom.

C'est une formule simple, sans ambiguïté, qui est la plus efficace. Elle ne s'embarrasse pas de circonvolutions inutiles, elle ne tourne pas autour du pot. Pour elle, ce sont des années d'attente pour remplir un vide. Pour lui, c'est un vide qui vient de se remplir en une seconde. Un choc, un déni temporaire, il n'y a pas que la tête qui tourne, c'est tout un corps qui dispose maintenant de l'info, qui doit trouver un nouvel équilibre dans une vie installée. Peu importe, ce que la rencontre provoque entre un « nouveau » père et sa « nouvelle » fille. Elle vient d'avoir lieu pour la première fois, parce que c'était le jour J ! En bien ou en mal, cela ne laisse pas indifférent. La vie continue avec une nouvelle équation.